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longtemps éveillée, ne trouvant le sommeil qu'après avoir décidé que, cette fois, c'est elle
qui viendrait vers lui.
Il était 18h15 et Gisèle se leva péniblement. Elle s'appuya fortement sur sa canne et
regarda le ciel à travers la grande baie du salon. Il lui sembla que les nuages avaient
quelque peu accéléré leur course et que le vent s'était levé, donnant un peu de fraîcheur à
cette douce et chaude soirée d'été. La vieille dame avait fait une longue sieste et se
sentait reposée, prête à sortir, à prendre l'air. Elle réalisa à peine qu'elle n'avait pas
entendu le dernier train de la journée et n'y pensa plus.
Elle prit une veste légère, se redonna un coup de brosse et contempla un moment son
reflet dans la glace. Elle vit un visage constellé de rides entouré de beaux cheveux à peine
blancs, avec, pour toile de fond, un regard vif et profond, empli de tant de choses, de tant
de vie.
Elle tourna le dos à son image et prit ses clefs, ses papiers et son petit sac à main noir.
Finalement, elle laissa la valise sur son lit, trop lourde à porter. Elle ferma son
appartement, et eut soudain l'impression qu'elle le quittait à jamais, laissant derrière elle le
résumé de toute une existence chargée, où chaque chose était investie du témoignage
heureux ou malheureux d’évènements que l'on voudrait, au fond, ne jamais oublier.
Elle sortit de l'immeuble et se dirigea lentement vers le petit espace vert, situé juste en bas
de chez elle. Elle aimait ce petit havre de paix, orné de quelques bancs et de jolis
parterres de fleurs variées et colorées, malgré qu'elle n'y soit pas retournée depuis un bon
moment.
A peine s'était-elle installée qu'un voisin l'aperçut et vint s'asseoir près d'elle, demandant
de ses nouvelles. Car ici, tout le monde connaissait Gisèle ! Dès qu'elle mettait le nez
dehors, tout le monde qui passait venait s'enquérir de sa santé et parler de choses et
d'autres. La vieille dame souriait et répondait toujours gentiment, doucement et prenait
part à la conversation.
Mais ce soir-là, elle demeurait silencieuse et se contenta de hocher la tête avec un
murmure. L'homme n'insista pas et lui souhaita une bonne soirée en souriant. Une demi-
heure passa et une jeune femme s'approcha d'elle.
− Bonsoir Gisèle, comment allez-vous ? Ca fait du bien d'être dehors, n'est-ce pas ? Il
fait si doux !
− Oui, oui..
− Vous êtes sûre que ça va ? Si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas,
surtout ! Vous savez où me trouver !
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