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qui passa lentement. Portant ses mains à la gorge, Gisèle sentit à la fois du chaud et du
froid l'envahir, une sensation indéfinissable qui la laissait vide de volonté.
Le train inconnu s'arrêta presque et reprit de la vitesse. Alors, en un instant, il disparut, ne
laissant même pas l'écho du moindre bruit derrière lui.
Quand elle revint s'asseoir, bouleversée, elle regarda ses boîtes de médicaments. Non,
elle n'avait pas pris de dose en trop, oui, elle était lucide, éveillée. Puis, soudain, prise d'un
élan mystérieux, elle se rendit dans sa chambre et ouvrit la grande armoire qui trônait près
de son lit. Elle en sortit une valise usée qui avait appartenu à son défunt mari et sans
réfléchir, entassa plusieurs vêtements à l'intérieur.
Elle ne comprenait pas pourquoi elle faisait cela, elle savait juste qu'elle devait faire ses
bagages.
Quand Véronique découvrit tout cela, elle regarda sa mère, effarée.
− Mais qu'est-ce que tu as fait, maman, pourquoi tu as rempli cette valise ? Tu m’as
pourtant dit que tu ne voulais plus partir depuis la dernière fois !
− Je sais, je sais.. Disons que j'ai voulu m'occuper.. Et je ne mets plus ces affaires,
pourquoi tu ne les donnerais pas ?
Sa fille mit quelques secondes à répondre, les bras ballants.
− Les donner, mais tu as toujours dit que tu ne laisserais personne les porter !
− Oui, mais.. Pourquoi pas ? Elles prennent de la place..
− Bon, on verra.. Si tu y tiens.. J'ai pris rendez-vous chez le médecin pour la semaine
prochaine. En attendant, n'en fais pas trop et repose-toi, d'accord ?
− Oui, ne t'en fais pas.
Sur cette réponse à peine rassurante, elle partit, de plus en plus angoissée. Elle n'avait
jamais vu sa mère comme cela et se promit de venir plus souvent.
Quelques jours passèrent ainsi. Une douce torpeur demeurait et la chaleur dominait.
Gisèle rangeait, retrouvant une énergie venue de nulle part, à la fois stimulante et
oppressante.
Elle se surprit à guetter le train et se postait tous les jours à sa fenêtre peu avant 19h00.
Mais il ne venait pas, laissant la vieille dame frustrée et chagrinée. Elle n'aurait pas pu
expliquer cet état anxieux qui l'envahissait, cette impression de ne plus exister.
Pour se rassurer, elle consultait alors son calendrier. Ce drôle de train était apparu à
exactement 8 jours d'intervalles. Donc, si ses calculs étaient justes, il reviendrait le
lendemain soir. A la même heure.
Cette nuit-là, Gisèle prit une grande résolution. Tandis que dehors, la petite brise chaude
de l'été faisait doucement bouger les rideaux de sa fenêtre entrouverte, elle resta
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