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pendant le court trajet vers ce qui me sembla être, au vu de la hauteur des murs
d’enceinte, une prison. »
Hanna s’interrompit, respira profondément, reprit son souffle. Elise n’osait
bouger, de peur de perturber le récit douloureux, décrit comme si la vieille dame
revivait le passé à nouveau. Puis un filet de voix se fit réentendre et la jeune femme
tendit l’oreille.
« La prison de Montluc, vous en avez entendu parler ? Et le boucher de
Lyon…? Non, pas sûr, vous n’étiez pas née, et le procès de cet homme, que dis-je,
de ce bourreau, Klaus Barbie, s’est tenu dans votre prime jeunesse... Il n’y a pas si
longtemps pourtant. Chef de la Gestapo dans cette cité des Gaules, il œuvra en
toute cruauté, des jours et des nuits durant, pour faire avouer à des hommes, des
femmes et même des enfants, des crimes qui n’en étaient pas. Car, ma chère,
résister, ou être né juif, est-ce condamnable ?! »
Un nouveau silence se fît avec la cassure de la voix d’Hanna, entre deux
sanglots étouffés. Elise prit soudainement la main qui s’offrait à elle, cette main à la
peau parcheminée, aux jointures noueuses et dont une veine palpitait de vie, malgré
tout. Une main tenace, obstinée, ouverte. Chaude.
« Papa n’en est pas revenu. Déporté à Auschwitz, il est mort là-bas. Maman a
pu se cacher et m’a attendue, dans une rage impuissante et patiente. Je suis
revenue chez nous, quelques semaines plus tard, meurtrie, à jamais changée. C’est
si dur, d’avoir mal, à son corps, à son esprit. C’est cruel aussi, d’avoir mal à ses
idéaux. De fraternité, d’Humanité. De tendresse, aussi, tout simplement…. »
Elise était en apnée. Après l’avoir fixée un instant de ses yeux à présent
comme morts, la vieille femme s’était détournée, faisant silence. Elle s’était affaissée
dans son trop grand fauteuil, manifestement replongée dans ses réflexions, ses
souvenirs. La jeune femme se sentait mal. Les paroles d’Hanna avaient comme un
effet de scalpel sur ses états d’âme actuels. Elles les mettaient à vif, les
questionnaient sous la lumière crue de l’horreur. Elle se souvenait pourtant des
propos de sa compagne : « toute blessure est à entendre ». Quel écho pouvait avoir
ce témoignage puissant du passé, de l’Histoire, sur sa vie d’aujourd’hui, son
histoire ? Elle tenta de se détendre et de se recentrer sur le drame d’Hanna.
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