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N° 113                       Et si on prenait le temps...



            Elle avait eu maintes fois l'occasion d'être appelée pour des soins urgents au 32, avenue du manoir,
            5ème étage, porte gauche. Mais ce matin là, fatiguée par une nuit d'insomnie, elle s'arrêta au 4ème

            étage, et frappa porte gauche. A peine s'était-elle aperçue de son erreur, qu'une voix résonna dans

            la pièce du fond : « Enfin ! Je vous attendais ».

            Mince… que faire ? Entrer ou faire style de rien et remonter discrètement le dernier étage. Hélène

            regarda sa montre. 7H15. Mme Bigot avait l’habitude qu’elle vienne faire ses pansements à 7h30.
            Maintenant, vu l’amabilité de la voix, elle n’avait pas forcément envie d’engager la conversation

            pour expliquer qu’elle s’était trompée d’étage. Mais d’un autre côté, la voix semblait âgée. Etait-ce
            bien aimable de s’enfuir comme une enfant prise en faute et de laisser cette personne peiner à se

            déplacer jusqu’à la porte pour n’y trouver personne ? Oui mais si elle était aussi bavarde que Mme
            Bigot, à 11h elle serait encore au 4ème étage et sa tournée entière serait fichue… Sans compter que

            Mr Raoult de 11h30 devait avoir absolument son injection d’insuline. Après si on loupait la prise de

            sang de Mme Rysemi qui s’était trouvée une nouvelle pathologie imaginaire, ce n’était pas bien
            grave. D’un autre côté, si elle ne faisait pas de bruit, et repartait discrètement, la personne pouvait

            avoir confondu son timide tambourinage avec le marteau d’un voisin ?
            « OUAF OUAF ! »

            Mince, elle n’avait pas pensé à cela. Un chien ! Forcément il la sentait et nul besoin de bruit pour
            savoir qu’elle était encore derrière la porte. Au même moment, la porte s’ouvrit à la volée.

            “bah alors ! c’est pour aujourd'hui ou pour demain ?”

            Il se tenait en robe de chambre face à elle, lui tendant une laisse au bout de laquelle s’agitait un
            labrador sable. Hélène regardait le chien, la laisse, le bras tendu et finalement le regard qui ne la

            regardait pas…

            “...et me sort pas encore une excuse bidon du style c’est le bus qui avait du retard ou bien j’ai loupé
            le réveil. C’est la 3ème fois ce mois-ci”

            “mais…”
            “non non non, je t’ai dit pas d’excuse. Et dépêche toi avant qu’il ne fasse sur le palier !”

            Hélène saisit la laisse et regarda la porte se refermer. Alors ça c’était une première !!
            "Tu n'es pas censé avoir un harnais en tant que chien guide d’aveugle ?”

            Il remua joyeusement la queue et, sans plus attendre, l'entraîna dans  les escaliers 4 à 4. Oui

            décidément, la commission devait être urgente.. Hélène essayait de suivre le rythme mais elle
            n’avait pas l’habitude de faire du sport. Elle n’avait jamais le temps mais en arrivant essoufflée en

            bas, elle se dit que ça pourrait être une bonne idée de s’y remettre un peu. Aujourd’hui elle s’en
            sortait pas trop mal, c’est un labrador… mais imaginons que demain ce soit un Saint-Bernard. Elle






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