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N° 114                              Enola




                      Elle avait eu maintes fois l’occasion d’être appelée pour des soins urgents au 32, avenue

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               du manoir, 5  étage, porte gauche. Mais ce matin-là, fatiguée par une nuit d’insomnie, elle
               s’arrêta au 4  étage, et frappa porte gauche.
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               À peine s’était-elle aperçue de son erreur, qu’une voix résonna dans la pièce du fond : « Enfin !
               Je vous attendais ». Elle s’apprêtait à tourner les talons quand la porte s’ouvrit. Un homme guère

               plus âgé qu’elle se tenait dans l’entrebâillement.

               Elle n’eut pas le temps de s’excuser qu’il lui avait attrapé la main pour la saluer et lui intimait

               de le suivre. Il lui demanda de se dévêtir rapidement, il était pressé. Surprise, Enola arpenta le

               couloir en sens inverse et quitta l’appartement, abandonnant son hôte inopiné pour le moins
               désappointé.


               Elle fila chez son patient, à l’étage du dessus, ne laissant d’elle dans l’escalier que quelques
               effluves légers de chèvrefeuille. Âgé d’une cinquantaine d’années, il était employé de l’usine

               de carbone sur la commune voisine. Il avait été blessé lorsque le four à combustion avait pris
               feu avant d’exploser. La première greffe de peau n’avait hélas pas tenu. Après une deuxième

               opération, il avait pu regagner son domicile avec une obligation de suivi infirmier très strict.
               Enola assurait cette mission avec rigueur et se déplaçait à la moindre fièvre, odeur anormale,

               exsudation ou à l’apparition de taches noirâtres annonciatrices d’une nécrose.

               Légèrement essoufflée, elle se confondit en excuses pour son retard et narra sa mésaventure

               avec le voisin du quatrième. Son visage s’empourpra.

               Les soins terminés, elle s’engouffra dans l’ascenseur avec la farouche envie de quitter au plus

               vite le bâtiment.

               Quelques jours plus tard, alors qu’elle longeait les bords de Seine, Enola reconnut la silhouette

               de l’homme du 4  étage. Il avançait bon train dans sa direction. Elle pensait qu’il ne l’avait pas
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               remarquée, quand arrivé à sa hauteur, il lui lança hardiment un « bonjour miss Alone ».


               « Miss Alone », quelle impertinence ! Elle était certes célibataire, mais ce n’était pas noté sur
               son front.


               Elle le foudroya du regard, haussa les épaules et lui répliqua : « Enola, je m’appelle Enola ».




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