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Trop Violans avec qui elle était intervenue au Lycée Félix Eboué. Des enseignants
avaient organisé une semaine de rencontres afin de sensibiliser les adolescents aux
dangers de la cocaïne, du phénomène des mules et leur éviter de « prendre le
chemin ». Tout le monde à Cayenne connait quelqu’un qui a essayé, ou du moins
envisagé de faire le voyage. Par contre, leur méconnaissance des dangers sanitaires
et des conséquences judiciaires est effroyable. Convaincue qu’il faut informer les
jeunes le plus tôt possible et leur faire prendre conscience du danger, Esther avait
témoigné en tant qu’infirmière pour parler « overdose », « psychose », « paralysie »,
« infarctus »... Jamais elle n’aurait cru se retrouver un jour déambulant dans la rue
avec 1kg de cocaïne sous le bras. Consciente du danger, elle espérait trouver
auprès de Teri la solution qui la sauverait ! Il saurait comment la sortir de ce piège
dans lequel elle était tombée de manière fortuite. Leur rôle est d’accompagner les
victimes. Après tout, une victime, c’est bien ce qu’elle est devenue en quelques
secondes. A chaque pas, elle se rapprochait de la solution et s’accrochait à l’espoir
de s’en sortir vivante.
Alors qu’elle se dirigeait vers la rue des Floralies, elle aperçut au loin un cortège de
femmes. Elle en avait entendu parler au boulot hier : une manifestation contre les
violences se prépare. Infirmières, médecins, institutrices se font régulièrement
agresser dans l’exercice de leurs fonctions, il faut que cesse ce climat anxiogène.
Les manifestations sont de plus en plus courantes dans les rues de Cayenne. On y
crie son désespoir, son besoin viscéral de sécurité, le droit de vivre en paix… Un
vœu pieux… En temps normal, elle aurait participé à cette manifestation, à corps et à
cri, mais aujourd’hui, tout est différent. Esther se sent comme un intrus, les dents
serrées à l’idée de croiser une connaissance. Elle avance prudemment,
discrètement. Glisser entre les rayons du soleil, se fondre dans le paysage. Alors
qu’elle commence à s’éloigner de la foule, Esther aperçoit une voiture qui surgit à
toute allure et fonce droit sur le cortège. Le véhicule lancé à toute vitesse fauche des
dizaines de personnes. Le chao. Laissant ses yeux s’habituer à l’horreur de la scène,
Esther reprend ses esprits, abandonne sa valise plus encombrante que jamais et
dirige ses pas vers les premières victimes. La première personne qu’elle croise est
morte, la seconde est vivante. La femme saigne par jets, à la cuisse et hurle de
douleurs. Esther déchire un bout de son tee-shirt pour comprimer la plaie et fait un
garrot avec sa ceinture. Accrochée à son courage, elle donne les premiers soins à
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