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aux milices et aux mafias. Il en était de même de l’administration de la justice. Ces
états n’étaient plus que des syndics qui répondaient sans souci de justice et d’égalité
aux besoins de leurs contributeurs. Les communautés et les marchands avaient pris
la place de l’état auprès des citoyens, l’intérêt général n’étaient pas leur devise…
L’essentiel étant la surveillance et le contrôle des ghettos pour anticiper les révoltes
de plus en plus fréquentes et se prémunir contre elles. Des police secrètes
alimentées par des fonds occultes, nettoyaient les ghettos sans mesure ni contrôle.
Des maladies nouvelles étaient apparues et décimaient les plus fragiles et les plus
exposés. Elles étaient devenues un moyen de répression, une menace pour ceux qui
osaient défier les pouvoirs au nom de valeurs individuelles. La raison et la mesure
n’étaient plus des valeurs. Tout le monde, malade ou non, faisaient l’objet d’une
chasse aux sorcières au nom du risque, sur la base d’un principe de précaution qui
avait remplacé toutes les autres formes de sagesse.
La surpopulation et l’absence de coordinations entre les états avaient laissé se
dégrader l’environnement. Les ressources se raréfiaient. Des zones entières étaient
devenues inhabitables provoquant des migrations massives qui devaient affronter les
populations autochtones. Des zones trop polluées devenaient toxiques pour leurs
habitants, elles étaient abandonnées par ceux qui en avaient les moyens et
devenaient des lieux d’exterminations pour ceux qui restaient. Des cités nouvelles
sur des iles artificielles et des lieux protégés en pleine nature accueillaient les plus
riches et leur garantissaient un univers aseptisé et plus sûr pour vivre leur existence
de privilégié. Ils étaient, eux aussi, arnaqués et rançonnés par des monopoles
mafieux qui détenaient la propriété et l’exploitation exclusive de l’ensemble des
ressources de la planète avec la complicité des gouvernants qui en tiraient profits
pour eux, leurs proches et leurs gothas. Ils étaient bernés dans le monde imaginaire
du luxe et du progrès scientifique qui étaient censé leur assurer la survie et le
bonheur pour une longue vie prolongée à l’envie d’artifices de toutes sortes. Ils
avaient l’illusion d’une immortalité douce et d’une puissance sans cesse renouvelée.
Rachel vivait dans un îlot suburbain, dans une relative aisance et aurait pu se réjouir
de cette vie gratifiante mais son exposition à la souffrance des autres et aux
désarrois de leurs proches l’avait usée insidieusement au point qu’elle avait fini par
se blaser de tout. Une maladie s’était installée en elle, celle qui touchait
habituellement les mourants et les aliénés de toute sorte, elle faisait perdre le goût
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