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-Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus fautive ?
Amanda tomba sur son reflet dans la glace. Elle se dévisagea elle-même en scrutant sa

mâchoire contractée, ses joues creuses, ses cheveux gluants de sueur, puis alors, elle plongea
ses yeux dans ses fausses pupilles bleues. Amanda n’avait jamais rien vu d’aussi brisé. Même

à travers des lentilles de contact, elle avait l’impression que ses iris reflétaient les débris du

miroir que foulaient ses pieds. Voilà ce qu’était Amanda : un débris. Car la plus fautive,
c’était elle.

-Alors, Amanda, qui est la plus fautive ?
Amanda, épuisée, lâcha un petit rire nerveux en se souriant dans le miroir. Elle n’avait plus

rien à quoi s’accrocher, plus rien à espérer. Ainsi, se tournant vers Emmy, elle s’entendit
répondre :

-Je te l’ai déjà dit, tu fais erreur sur la personne.

Soudain, le miroir se mit à trembler. Puis, dans un craquement sourd, une fêlure trancha la
glace en deux.

-Miroir, mon beau miroir, qui est la plus fautive ? répéta Emmy.

Comme s’il l’avait entendu, l’objet se mit à vociférer le prénom d’Amanda. Cette dernière,
plus étonnée de rien, observait le miroir qui se déchirait davantage tel un mouchoir de papier.

-Amanda, Amanda, Amanda.
Il ne cessait de répéter le même prénom de plus en plus fort au point qu’Amanda dût se

couvrir les oreilles. Des plaques de verre venaient s’écraser sur le sol comme des chutes de
neige verglacée, des gouttes de sang se mélangeaient à ces cristaux pour faire tomber le tout

en une valse de diamants écarlate. Cette même valse qu’Amanda avait vu un mois auparavant

au milieu de laquelle se tenait son patient. Mais comme la première fois, Amanda observa la
danse, inconsciente.

-Amanda, Amanda, Amanda !
Les décibels augmentaient, du sang sortait du cadre en or par litre et Emmy avait collé aux

lèvres son éternel sourire malsain. Cela en fut trop pour Amanda qui poussa un hurlement
strident au milieu de cette cacophonie, ce qui fit sortir le miroir de ses attaches, le faisant

décrocher du mur. Lorsque soudain, pendant une fraction de seconde, Amanda entrevit Emmy

derrière elle. Le temps parut s’effriter tandis qu’elles se dévisageaient l’une et l’autre. Et
alors, Amanda fut obligée de reconnaître que c’était bien elle qui était comme cette femme

éclatée en mille particules de remords, de culpabilité et de regrets qui gardait ce sourire

difforme pour se convaincre du contraire. Mais Amanda n’eut pas le temps de reprendre ses
esprits, car déjà, le miroir s’écrasa sur elle en hurlant son nom.

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