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-Ma pauvre Emmy…
-Amanda, coupa cette dernière.
L’inconnue poussa un soupir amusé qui fit sortir Amanda de ses gonds et lui donna la force
de se lever de sa chaise, ses poignets y étant toujours liés, pour se retrouver si proche de son
hôte qu’elle sentit son haleine chaude contre ses larmes.
-Et maintenant, à moi de te poser des questions, pourquoi restes-tu cachée comme une lâche ?
Comment sais-tu tant de choses ? Et pourquoi m’interpeller maintenant ? Tu veux ma perte ?
Alors je t’en prie, montre-toi au lieu de rester cachée, parce que c’est toujours plus facile de
détruire quelqu’un sans le regarder dans les yeux !
La femme sortit de son recoin. Tout avait été conçu pour ne pas la reconnaître : de ses
chaussures à sa capuche, en passant par ses lunettes de soleil aussi grosses que des yeux de
mouche. Elle poussa Amanda en arrière de sorte qu’elle se rassit sur le fauteuil puis elle se
mit à marcher.
-Emmy Cooper, vingt-deux ans, obtention du diplôme d’infirmière sans difficulté, tu vis avec
Alex et tes deux chats, Crash et Flash, tu as peur du noir, tu détestes les brocolis et l’injustice,
tu n’as pas parlé à tes parents depuis trois ans, et le jour où tu as appris le décès de ton père, tu
as été aveuglée par des larmes que tu ne supportais pas et durant le temps que tu as mis à les
essuyer d’un revers de main enragé, ta voiture a percuté Richard.
Elle marqua une pause, ricana puis continua :
-Depuis ce jour, tu ne fermes plus l’œil sauf quand tu penses à prendre tes médocs et tu es
tiraillée entre cette part de toi qui préfère nier et vivre avec ce poids de culpabilité qui te fait
sombrer doucement, puis cette autre part qui te rappelle constamment ton crime et te
remémore chaque soir que tu es une meurtrière de bonheur.
Amanda était sous le choc, sa bouche s’ouvrant puis se refermant sans qu’un son en sorte.
-Si je sais autant de choses, c’est parce que…
La femme retira ses lunettes et les jeta dans un coin de la pièce puis, empoignant les rebords
de sa capuche, elle l’abattit lentement.
Amanda écarquilla les yeux. Si jusque-là, elle ne savait plus quoi dire, c’était encore pire à cet
instant-ci. Amanda n’aurait su comment l’expliquer, mais sous ses yeux ahuris, il y avait une
petite rousse aux yeux verts, au corps frêle, aux cernes violacés s’étendant sur ses pommettes
et au visage défiguré par une souffrance depuis trop longtemps logée dans ses traits. Devant
elle se tenait…Elle-même.
-Com…comment est-ce possible ? bégaya Amanda.
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