Page 71 - affiche-plume-2020.indd
P. 71

-Enchantée Emmy, moi, c’est Emmy, cette deuxième partie de toi qui tente toujours de te
               rappeler que c’est de ta faute si la vie d’un homme innocent a été détruite.

               Amanda n’entendait plus rien. Elle était tant sous le choc qu’elle ne s’aperçut même pas que
               ses poignets étaient déliés. Elle n’y croyait pas, elle ne voulait pas y croire. Elle ne pouvait

               concevoir que cette femme, tout de noir vêtue, avec cet air désinvolte, ce sourire monstrueux

               qui semblait prendre plaisir dans le malheur d’autrui et ce corps maigrichon qui transpirait la
               haine et la colère pouvait être une représentation d’elle-même. Elle ne pouvait pas être

               tombée si bas.
               -Tout ça n’est qu’une vaste farce d’un humour très moyen, cracha Amanda, amère. Tu ne

               peux pas être moi.
               -Oh, mais ma jolie, ce n’est pas moi qui suis comme toi…C’est toi qui es comme moi.

               -Assez !

               Amanda se prit la tête dans les mains. Elle avait la sensation de perdre tout son bon sens.  Son
               corps tremblait comme une feuille en automne, ses mains, froides et moites, étaient si crispées

               que l’on aurait pu croire que ses os allaient percer sa peau pâle et des larmes acescentes

               coulaient à la chaine.
               -Allez Amanda, susurra la femme, laisse-moi te dire tout haut ce que tu ne cesses de penser

               tout bas.
               Amanda, prise d’un excès de rage, fit volte-face et propulsa Emmy qui s’écrasa contre le

               miroir déjà bien abîmé.
               -Je ne serais jamais comme toi !

               Emmy partit en un fou rire tonitruant qui mit Amanda au paroxysme de son énervement.

               Toutes ces émotions refoulées pendant trente et un jours remontèrent aux portes de sa gorge
               avec une telle violence que ses poumons se compressèrent, la faisant suffoquer. Son cœur

               n’était plus qu’un chiffon froissé et ses yeux étaient injectés de sang comme si ses sentiments
               ravageurs avaient débordé dans son regard.

               -Tu connais l’histoire de Blanche-neige ? demanda Emmy.
               Amanda ne prit même pas le soin de répondre, ce qui ne découragea nullement son adversaire

               qui dépoussiérait son pantalon après sa chute.

               -Laisse-moi te rafraîchir la mémoire.
               Emmy saisit le menton d’Amanda de sorte que leur regard se rencontra. Amanda dévisagea

               cette femme si fière de la détruire. Elle aurait aimé dire quelque chose, mais avant qu’une

               réplique percutante n’atteignit son esprit, Emmy tourna son visage vers le grand miroir fissuré
               en disant :



                                                                                                         6
   66   67   68   69   70   71   72   73   74   75   76