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Comme promis, Madame Le Goff arrive au 32 Avenue du manoir à midi sonnante. Vite,
elle monte au 4ème étage et frappe porte gauche. Personne. Aucun bruit dans
l'appartement. Elle monte voir Madame Yvonne, pour lui demander, sans grande
conviction, si elle a des nouvelles. « Non, je n'ai rien vu, rien entendu ! » Marie
redescend et déjà Martin essoufflé grimpe les étages en courant. Point n'est besoin de
parole, l'enfant comprend que Nanouchka n'est pas venue. Incrédule, il ouvre tout de
même la porte et, se laissant tomber sur le canapé, interroge Marie. « Pourquoi n'est-elle
pas là ? » Il sait où trouver le numéro de téléphone de sa chère nourrice, Marie le note
ainsi que celui de sa maman. L'enfant appelle sa mère, il a mis le haut-parleur mais il
arrive sur la messagerie. Il laisse un message un peu alarmiste et se dépêche de rédiger
un SMS concis « Nanouchka n'est pas venue ! ». De son côté l'infirmière appelle
l'absente, c'est une voix chaude à l'accent russe qui lui indique qu'elle ne peut répondre
pour le moment...
Désemparé Martin se détourne pour écraser une larme et annonce qu'il va trouver de
quoi manger dans le réfrigérateur. Il semble si malheureux que Marie lui suggère de
l'inviter : « Tu aimes sans doute les hamburgers ! » À ces mots le sourire revient et le
garçon retrouve une joie indécente. « Oh ! Oui, on peut aller au Miam Mama Burgers, il
paraît que ce sont les meilleurs de la ville et ils font aussi des salades ! »
L'infirmière se retrouve dans une ambiance qu'elle n'aurait pas su imaginer. L'air est
saturé d'odeur de friture et de bruit. Les nombreux jeunes qui se sont donné rendez-vous
là s'interpellent, rient, crient, déplacent en les trainant bruyamment des chaises en
formica vert. Une telle vitalité fait sourire l'infirmière. On ne peut identifier ce qui doit
être une musique et qui s'ajoute au fond sonore. Le commerçant peine à trouver une
petite place pour cette dame accompagnée d'un enfant. Martin, au comble du bonheur,
choisit son burger dans une liste où Marie ne comprend pas ce qui les différencie les uns
des autres. Pour elle ce sera une salade olives-tomates. Après un temps assez long, le
serveur dépose le repas accompagné de frites trop rousses et quelque peu desséchées puis
la salade arrive dans une assiette en carton. Marie n'avait pas tellement faim, heureu-
sement car les trois rondelles de tomate et les deux olives cachées sous une feuille de
laitue à grosse nervure ne l'auraient pas rassasiée ! Quant à Martin, il se délecte, un filet
de sauce coule sur son menton, la petite serviette en papier sera d'un maigre secours. Se
saisissant d'une frite avec les doigts, il la propose à Marie qui la refuse dans un sourire.
Elle se dit que l'insouciance de l'enfant est un cadeau tandis qu'elle pense à la soirée à
venir... Quittant le Miam Mama Burgers, accompagnés de son odeur tenace imprégnée
dans les vêtements, Martin et sa protectrice repassent à l'appartement. Personne. Maman
n'a pas répondu au message mais cela n'étonne pas vraiment l'enfant, il sait que lors de
ces réunions importantes au siège de la société, les portables doivent restés éteints.
Avant de repartir pour le collège Martin annonce qu'il termine à 18 heures car
aujourd'hui il y a l'aide aux devoirs après le dernier cours... Il ne demande pas à Marie si
elle sera là, il a senti d'emblée qu'il peut lui faire confiance.
L'infirmière avait prévu une sieste réparatrice avant de reprendre son service du soir
mais les événements font qu'elle doit y renoncer sans se poser de question. Puisque
Nanouchka ne répond pas, elle va essayer de savoir où elle se trouve. Marie pense à
l'accident de ce matin, persuadée qu'il s'agit de la vieille dame, elle se rend à la
gendarmerie pour demander des nouvelles, pour savoir. Les gendarmes lui indiquent que
la personne blessée n'est pas celle qu'elle recherche. Un peu soulagée, l'infirmière se
dirige vers l'habitation de Nanouchka à 3 km du centre ville. Elle n'a pas de mal à
identifier sa maisonnette si singulière, ces petits rideaux aux fenêtres, ces couleurs vives
peintes sur les volets, ces petits décors particuliers ne sont pas habituels dans la région.