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Tout indique que la locataire des lieux a voulu recréer son identité à travers des éléments
de sa culture. Marie ne peut réprimer un tendre sourire en allant sonner à la grille. Elle
attend, elle guette un mouvement mais rien ne se produit. Elle décide de traverser le
jardinet pour mettre son nez au carreau comme une malapprise. L'intérieur de la maison
se dévoile sous ses rideaux trop courts. Ce que Marie découvre envahit son cœur d'une
émotion inconnue. Les murs sont entièrement recouverts de bois, non pas d'étroits
lambris mais de larges planches cirées. Le plafond aussi est en bois, baignant la pièce
d'une douceur mordorée. Seule une énorme cheminée blanche renvoie de la lumière, on
dirait un de ces fours qu'on voit dans les pizzérias pense la jeune femme. L'infirmière a
l'habitude de découvrir différents intérieurs mais celui-là la transporte dans un pays
qu'elle n'a jamais visité. Elle pense à la fois à un décor de western et à une maison du
grand nord, tels qu'elle se les imagine... Les meubles sont d'un bois un peu grossier lustré
et brillant de toutes ses veines. Une machine à coudre ancienne trône au fond de la pièce.
La table est recouverte d'une nappe blanche brodée et différents tissus clairs sont
accrochés ça et là dans une savante harmonie. « Vous cherchez Nanouchka ? » Marie
sursaute à cette interpellation et bredouille un oui coupable. La voisine explique alors
qu'elle a vu une ambulance venir tôt ce matin pour l'emmener mais elle ne sait rien de
plus !
Marie Le Goff sait alors qu'elle doit se rendre à l'hôpital pour avoir une chance d'avoir
des nouvelles. Elle regarde l'heure, elle ne va pas avoir le temps... Elle est de service et
ne peut pas se faire remplacer aujourd'hui... Son téléphone sonne juste au moment où elle
pensait à la maman de Martin, c'est elle, c'est Jeanne Le Bihan ! L'infirmière expose la
situation et sent que cette dame est très inquiète pour Nanouchka mais qu'elle a une
solution bien simple pour la soirée de son fils. Il devra juste passer prendre ses affaires à
la maison et aller dormir chez son ami Axel. Elle s'occupe de prévenir les parents de ce
petit camarade, ils ont l'habitude de se dépanner mutuellement. Elle va aussi appeler son
fils pour l'informer. Jeanne est seulement très préoccupée par ce qui a pu arriver à
Nanouchka et se permet de demander l'aide de Madame Le Goff. Marie est ravie de
rendre ce service, d'autant plus qu'elle est maintenant curieuse de rencontrer la dame qui
habite une si étrange maison... Elle promet de se renseigner après son service, de se
déplacer éventuellement. Elle appellera dans la soirée.
Ce soir l'infirmière n'en finit pas, c'est toujours comme ça, lorsqu'on est pressé ! Là où
tout va très vite habituellement, mille petites choses s'enchainent pour venir compliquer
et ralentir la tournée : un ascenseur en panne, une circulation routière difficile due à des
travaux, des feux qui passent tous au rouge au moment où elle arrive... Pour peu, elle
s'agacerait ! Au moment où elle se prépare à téléphoner à l'hôpital elle se rend compte
qu'elle n'a plus de batterie. Décidément, rien ne se déroule comme prévu aujourd'hui !
Quand Madame Le Goff réussit enfin à joindre l'hôpital, elle s'entend poser des
questions décourageantes : « Dans quel service est-elle ? Vous êtes de la famille ?... »
Marie décide de se rendre sur place, malgré la fatigue. Trop tard, elle arrive trop tard,
l'heure des visites est passée. « Non, aucune exception, Madame, pensez, on ne ferait que
cela ! Vous pouvez laisser un message... » Marie, tenace finit par apprendre que
Nanouchka a été opérée en début d'après midi, une rupture du tendon d'Achille croit-elle
avoir compris . Elle va aussi bien que possible, revenez demain aux heures de visite, au
revoir Madame...