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N° 25 Le hasard fait bien les choses
Elle avait eu maintes fois l'occasion d'être appelée pour des soins urgents au 32, avenue du
manoir, 5 ème étage, porte gauche.
Mais ce matin-là, fatiguée par une nuit d'insomnie, elle s'arrêta au 4 ème étage, et frappa porte
gauche.
À peine s'était-elle aperçu de son erreur, qu'une voix résonna dans la pièce du fond : « Enfin !
Je vous attendais ».
Liéna reçut cette phrase comme une injonction à agir et n'eut pas le temps de réfléchir au
bienfondé de sa réaction, elle ouvrit la porte d'entrée et pénétra dans l'appartement. Elle la
referma derrière elle en prenant soin de ne pas faire de bruit.
Maintenant qu'elle était à l'intérieur, elle songea qu'il fallait qu'elle bipe Tébio, un de ses
collègues du cabinet médical afin qu'il intervienne à sa place au 5 ème . Elle ne se faisait pas de
souci pour Florence sa patiente depuis cinq années, Liéna au téléphone l'avait rassurée une
fois de plus avant de se déplacer. Ce dont souffrait Florence aujourd'hui, c'était de solitude et
tout bien réfléchi, cette drôle de circonstance lui permettrait de faire la connaissance de Tébio.
Étrangère à ce lieu, Liéna se questionna sur son droit à se trouver dans ce logement du 4 ème .
Elle avait l'impression d'être dans la peau d'une cambrioleuse, à la différence qu'elle n'était
rien venue chercher et qu'elle ne savait pas ce qu'elle allait trouver. Depuis l'entrée, le seul
chemin possible était celui offert par un long couloir haut de plafond, étroit et obscur. Elle
avança à pas feutrés sur l'épaisse moquette grise du corridor, dépassa quatre portes closes
pour se diriger vers celle du fond laissée entrebâillée.
Arrivée au bout du passage d'où avait émergé la phrase énigmatique, elle poussa délicatement
le vantail et s'arrêta sur le seuil, stupéfaite du contraste. Alors que le couloir apparaissait étroit
et sombre, la pièce qui l'accueillait se révélait vaste et claire, chacun des murs disposant d'une
large fenêtre laissant filtrer des flots de lumière.
Dans ce salon chargé de mille objets régnait un calme assourdissant et quelque peu
oppressant, semblable à ce que l'on ressent à l'intérieur d'une chambre anéchoïde où le silence
pèse sur les tympans.
Liéna prit le temps de parcourir le séjour des yeux avant de se mettre à la recherche de la voix
qui l'avait appelée : quel bazar ! se dit-elle.
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