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Il sortit alors de sa manche gauche une ficelle au bout de laquelle se balançait une agate et tira

               le calendrier à lui. Puis, il saisit la cordelette délicatement entre le pouce et l'index de sa main
               droite et lui fit parcourir les différentes  colonnes des mois de l'année.  Le pendule d'abord

               immobile se mit à osciller frénétiquement au-dessus du 25 mai : c'était aujourd'hui !

               Liéna ne souscrivait  à rien de tout  cela, mais elle ne souhaitait pas aller à l'encontre des

               convictions du vieil homme. Après tout, sa recherche et son attente lui donnaient un espoir
               qu’elle ne se permettrait en aucune façon d’anéantir.

               -  Il faut  croire  que je suis celle que le cosmos vous envoie, dit-elle en souriant, mais je

               comprends votre désillusion. Je m'appelle Liéna et vous ?

               - Antoine


               - Antoine, j'ai remarqué vous vous apprêtiez à servir le thé, m'inviteriez-vous ?

               Antoine esquissa un sourire mitigé, dépité par le jeune âge de Liéna mais ravi de partager un

               moment en si bonne compagnie. Ayant pris place autour de la table basse, ils entamèrent une
               discussion à bâtons rompus comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Antoine évoqua son

               passé heureux d'avant la crise climatique, la solitude qui lui pesait depuis des années mais

               également son amour pour les livres ; Liéna lui parla de son enfance, de ses parents, de la
               plénitude qu'elle ressentait souvent dans son travail qui était avant tout source de liens.

               Quand arriva l'heure de sa pause déjeuner, Liéna dut prendre congé. Encore sur le palier de

               l'appartement d'Antoine,  et alors qu'elle s'apprêtait à  contacter  Tébio pour savoir comment
               s'était passé sa visite chez Florence, elle se souvint qu'elle avait oublié de le biper : la vieille

               dame était restée seule toute la matinée. Elle l'appela, lui présenta ses excuses et lui détailla

               les raisons qui l'avaient retenue au 4   ème   étage.  C'est lorsqu'elle prononça le  prénom
               « Antoine »  qu'elle fit un lien entre les occupants  des 4 ème   et 5 ème   étages :  et si Florence

               pouvait être la compagne qu'espérait Antoine ? Liéna s'étonna quand sa patiente lui annonça

               qu'elle ne connaissait pas son voisin du 4 ème , un homme très seul d'après la concierge, et qui
               ne sortait pratiquement pas de chez lui ; comme elle, dut-elle avouer. Liéna alors prise d’une

               inspiration soudaine  lui  proposa  de monter  accompagnée d'Antoine.  Florence, d’abord
               surprise  par la proposition qu'elle considéra  quelque  peu  insensée, marqua  un temps

               d'hésitation, avant d’accepter, la tentation de l'aventure s'avérant plus forte.

               Elle  sonna  à nouveau  au 4 ème   porte  gauche et  invita Antoine  à  rencontrer  la femme qu'il

               attendait depuis ce matin.  Ravi d'entendre que  la prédiction  était  en passe de se réaliser,
               Antoine se fit une joie de suivre Liéna pour faire la connaissance de sa voisine.



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