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— À votre regard, je vois, ma chère, que vous les avez rencontrés.
— Ces deux hommes… ?
— Oui. Les avez-vous reconnus ?
— Le premier vous ressemblait. Le second était mon père ?
— C’est tout à fait cela.
Habib ventilait.
— Permettez-moi de m’assoir. Je n’ai plus de force. La tête me tourne.
L’homme n’avait plus que la peau sur les os. Sa respiration était caverneuse. Il
sourit malgré tout. Le masque était horrible.
— Je ne compte plus mes petites morts, Latifa. Dans ce mille-feuille, où j’ai
résidence depuis mon trépas, je vous attends. Dans cet enfer bleuté, où vos rêves et mes
espoirs valsent ensemble sans jamais se toucher, j’ai espéré vous inviter et vous retenir.
Enfin, vous apparaissez, plus éblouissante qu’au premier jour, avec votre petite sacoche.
Mais le sable continue de glisser entre mes doigts.
Les yeux de Habib roulèrent dans leurs orbites puis se fermèrent quelques instants.
Latifa posa sa main sur la poitrine de l’homme. Le cœur pompait follement. La main
brûlante de Habib se referma sur celle de Latifa. Il reprit connaissance.
— L’Autre vous attire vers la lumière, souffla-t-il.
— L’Autre ?
— L’autre moi, qui a accepté la mort et la séparation. Il attend de l’autre côté. Moi,
je vous voulais avec moi, dans le mille-feuilles, échappant au temps, à la tristesse, au
désespoir…
Il toussa, des glaires pointèrent à la commissure de ses lèvres. Sa respiration
n’était plus qu’un souffle.
— Attention, mon amour… l’heure du choix, susurra-t-il les yeux révulsés.
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On la perd ! 50 Amps. Choc !
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— Titifa ? Vous m’entendez ?
Dans la chambre d’hôpital, le corps amaigri, des touffes de cheveux éparses
auréolant son visage émacié, Latifa gisait, câblée comme une tour informatique. Sa main,
chaude et flasque, reposait sur un drap blanc. Elle était recouverte par celle d’une jeune
femme brune, le visage mangé par un masque chirurgicale. Celle-ci écarta le masque de
ses lèvres, détendit les élastiques derrière les oreilles, se rapprocha du visage de Latifa.
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