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Elle sortit de la pièce sans bruit et pour remonter au cinquième étage, elle emprunta le petit
ascenseur qui avait été installé quelques années plus tôt, la clientèle du lieu en avait fort

besoin. Quand elle se trouva devant la chambre de sa patiente, elle eut un moment de doute.
Tout cela lui paraissait étrange ; l’inactivité et le silence autour de cet endroit où quelqu’un

était passé à trépas. Dans les cas similaires qu’elle avait eu à gérer, le décès avait engendré, à

contrario, une intense effervescence ; la famille, le personnel de santé, la direction de
l’établissement, les pompes funèbres avec toutes les formalités inhérentes.

Elle ouvrit la porte de la chambre 32 du cinquième étage, la pièce était dans la pénombre, les
rideaux n’avaient pas été tirés, elle avança sur la pointe des pieds comme si elle ne voulait

réveiller la nonagénaire qui était allongée dans son lit. Adèle eut l’impression que personne
n’avait pénétré dans la chambre depuis la veille au soir alors qu’il était presque midi. Elle

ressortit de la chambre, arpenta tous les couloirs de tous les étages, redescendit au rez-de-

chaussée jusqu’au jardin d’hiver, les gens vaquaient à leurs occupations comme si de rien
n’était. Alors elle remonta au quatrième et malgré sa nuit d’insomnie et la fatigue, elle

emprunta l’escalier, l’ascenseur lui paraissant trop lent. Sans frapper, elle pénétra dans la

chambre du vieux monsieur et eut la surprise de le trouver éveillé.
« Enfin, vous avez le loisir de vous faire attendre chère enfant !...

-Vous avez vu Kim, la belle endormie ?
Il continua :

-Kim, en vietnamien, cela veut dire « Plaine Royale « ou « Or » il faut dire que lorsque je
l’ai connue elle vivait dans l’une de ces plaines deltaïques qui sont si fertiles que

l’exploitation de leurs terres valent de l’or.

-Venez suivez-moi, elle ne m’a que trop attendu.
Avec une dextérité dont elle l’aurait cru incapable, il fit tourner les roues en s’aidant de ses

mains, des mains d’un vieil homme arthritique et s’avança vers le fond de la pièce dont les
murs étaient recouverts de boiseries claires jusqu’à hauteur d’homme, il appuya sur un

panneau qui se déroba, il fit rouler le fauteuil sur un plateau :
-Venez, venez, il y a assez de place pour vous !...

Pendant que la minuscule cabine montait vers le cinquième, il crut bon de lui révéler.

-Kim, vous aimait énormément, chaque jour j’avais droit à un commentaire élogieux. Adèle
par ci, Adèle par là, alors je me suis habitué à vous, vous faites partie de ma vie.

-Vous croyez aux signes du destin, Adèle ?

Il poussa un panneau et ils entrèrent dans la pièce à la pénombre douce.
-J’y crois depuis aujourd’hui !

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