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Feu d'artifice pour les soignants
ment du 4ème étage n'avait aucune ressemblance avec le 5ème. Elle s'interrogeait aussi sur le fait
que les pièces étaient les mêmes dans les deux appartements. Deux chambres, deux salles de bain,
deux cuisines. Pourquoi ne pas avoir installé une bibliothèque en bas, une salle de jeux pour les
petits-enfants et des chambres pour amis? La chambre du fond qu'elle venait de quitter était sinistre:
tentures lourdes, tissus matelassés haut de gamme, dais au-dessus du lit, boiseries aux murs,
plafonniers avec bougies et gouttes de cristal. Quand elle claqua la portière de la voiture, elle
s'éveilla pour de bon et appuya sur l'accélérateur pour s'éloigner de l'avenue du Manoir.
***
Trois semaines plus tard, il fallut retourner avenue du Manoir. Les déplacements étaient
multipliés en raison de l'épidémie. Les ambulances, les fourgons du 15 et les estafettes des pompiers
quadrillaient la ville. Le docteur Meunier accumulait les nuits blanches. Aucune cause n'expliquait
ses nuits sans sommeil. Pas de rupture, pas de fils étudiant, pas de parents hospitalisés. La pleine
lune ne pouvait être accusée qu'une fois par mois. Durant la nuit, la radio allumée, les verres d'eau
vidés, la vessie remplie, le livre recours: rien n’endormait le Dr Meunier qui s’affaiblissait de jour
en jour.
***
Un appel tira de son demi-sommeil le docteur. Elle regarda l'écran bleu puis s'habilla
promptement. Il fallait se rendre au 32 avenue du Manoir. Elle monta jusqu'au 5ème porte gauche et
poussa la porte. Madame Yvette avait la tête rejetée en arrière et les bras écartés. Elle respirait
faiblement. Le docteur constata qu’une pantoufle avait été jetée en direction de l’escalier en bois qui
menait l’étage inférieur. Elle s'occupa de Mme Yvette qui retrouva ses esprits. Elle raconta qu'elle
avait eu une hallucination: des rats s'élançaient vers elle pour l'égorger.
Un anxiolytique, une pilule placebo et une tisane de valériane dans le gosier de la dame
permirent au docteur de prendre congé.
Mme Yvette hurlait de rage sur son fauteuil en apercevant sa sœur qui arrivait en haut des
escaliers.
«C’est la dernière fois que je joue avec toi. Cela te plaît-il tant que cela d'en faire ta