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-Oui, aujourd’hui, vous vous êtes trompée d’étage !
Encore un secret bien gardé, ce petit ascenseur privatif, songea Estelle en son for intérieur.
-Vous pouvez tirer les rideaux !, et tout en parlant il sortit de sous son plaid une boite
contenant des pétales de fleurs et sortit de ses poches des petits pots d’encens.
-Elle est belle n’est-ce-pas !...
-C’est elle !... C’est Kim qui vous a adressée à moi parce qu’elle n’avait plus besoin de vous.
Comme une femme aimante, elle a compris que sans vous, je n’y arriverais pas ! Elle vous a
mise sur mon chemin.
-Regardez cette photo. Nous étions dans une rizière, c’était en Indochine ce pays s’appelle le
Vietnam désormais, je vous précise parce que vous êtes trop jeune pour connaitre cette
période de l’histoire. Il faisait beau, Kim m’avait prêté ce drôle de chapeau qui appartenait à
son père, nous étions heureux parce que nous étions ensembles. Cependant, vous devez
savoir comme tout à chacun, que le bonheur est éphémère car soudain Kim a levé son joli
visage vers le ciel, aussitôt elle s’arrêta de sourire, sa jolie bouche carminée s’ouvrit pour
laisser échapper un ooooh de surprise qui se transforma aussitôt en un ooooh de terreur… A
mon tour, j’ai levé la tête mais avec le chapeau, je n’ai rien vu de ce qu’elle voyait mais tout
de suite j’ai compris en entendant le ronflement saccadé d’un avion.
Nous nous sommes pris la main et mis à courir du plus vite que nous pouvions cependant pas
assez certainement. Avant de perdre connaissance, j’ai vu l’avion tanguer un peu comme s’il
n’avait plus de pilote puis il a repris sa trajectoire impitoyable et s’en fut remontant dans le
ciel laiteux. En même temps qu’il narrait, il avait soulevé le plaid écossais et Adèle n’avait pu
s’empêcher de pousser un léger cri de stupeur en mettant les deux mains devant sa bouche.
Impassible, le vieil homme continuait son récit :
-Kim s’est très bien acclimatée à la Bretagne, elle est revenue avec moi, car ma santé ne me
permettait pas de rester vivre sous le climat tropical trop humide. L’air vivifiant et iodé de nos
côtes bretonnes est plus approprié à ma pathologie.
-La vie est ainsi faite, on déracine l’être aimé pour revenir à ses propres racines.
Il s’arrêta quelques minutes pour laisser le temps à Adèle de comprendre la cruauté de leur
histoire et mesurer l’amour qui avait uni ces deux êtres.
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