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N° 50                                       SUPERSTITION DEJOUEE








        Il pleuvait ce jour-là lorsqu’elle s’est levée


        « Ah ! Au fait quel jour sommes-nous ? » se dit-elle. « Vendredi 13 ?! Zut ! »

        Elle n’aimait pas les vendredis 13 qui lui réservaient toujours des surprises.


        Suzanne, tout en traçant distraitement avec son index, sur la toile cirée, d’improbables routes parmi les

        miettes résiduelles du petit déjeuner, avalait son énième bol de thé. Les gouttes de pluie qui dessinaient de


        longues rigoles sur les carreaux ne lui procuraient aucun dynamisme matinal pour attaquer cette intimidante

        journée.

        Pok, assis sur le rebord de la fenêtre, la fixait depuis un moment. Son regard semblait chargé de reproches.


        Les chats n’aiment pas la pluie, Suzanne le savait bien, et Pok allait être insupportable toute la journée. Elle

        se demanda tout à coup, face à de tels yeux accusateurs, s’il l’imaginait être la responsable de cette affreuse


        météo, au même titre qu’elle ouvrait le robinet de l’évier ou l’arrosage du jardin. Comme s’il avait perçu ses

        questionnements, le chat tourna la tête puis s’étira, descendit de son perchoir et disparut sous la table.


        Si elle avait eu quelque peu de poids dans la décision, Suzanne n’aurait jamais choisi un chat noir ! Trop de

        superstitions entouraient ce type d’animal pour qu’elle puisse vraiment en faire fi. Pourtant, il s’avérait de


        très bonne compagnie et elle devait bien reconnaître que, depuis qu’il était là, aucune calamité n’avait terni

        leur relation. Alors qu’elle repensait à la date, le chat sauta sur ses genoux.


        - C’est le premier vendredi 13 que nous passons ensemble ! Peut-être sais-tu conjurer les mauvais sorts, lui

        susurra-t-elle à l’oreille, alors qu’un ronronnement appuyé semblait déjà vouloir la rassurer.

        Une ombre encapuchonnée passa devant la fenêtre, obscurcissant un instant les couleurs de la pièce. Le gong


        de fin de la tranquillité de Suzanne avait probablement sonné.

        « Qui pouvait bien venir à cette heure-ci ? »


        Ayant tout juste terminé « l’Affaire Harry Québert », Suzanne retrouvait, dans ce début de matinée,

        l’ambiance inquiétante du livre. Elle eut des frissons.



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