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N° 14 LA FILLE BRISÉE
Elle attendait sur le quai. Elle repensait aux derniers jours passés avec celles qu’elle
avait considérées comme ses amies. Un malaise persistait en elle.
Ses pensées furent interrompues par l’arrivée du train.
La porte s’ouvrit, elle mit un pied sur la première marche, leva la tête et s’arrêta
brusquement.
Je m’appelle Maeva, je suis scénariste, mon job c’est de saucissonner La fille brisée
pour le cinéma. Saucissonner est un jargon technique, cela veut dire adapter des mots
pour en faire un film et parfois rogner les personnages. Ou les augmenter. Et comme
tous les scénaristes du monde, je saucissonne chez moi.
La tablette glisse sur l’accoudoir du canapé. Soupir d’exaspération. Mon royaume pour
une cigarette, Maeva calme-toi, il faut juste changer de patch.
La nuit pour rendre le scénario au boss du studio de production. Gros budget, la
Cotillard, Lelouch aux manettes. Avec un sujet pareil, essorée la tricoteuse. Greg avait
précisé — il faut de l’action, mais pas trop. Personnages contrastés, ambiance
plombante, du suspense. Il faut surtout restituer les regrets, l’amertume. N’oubliez pas
Maeva, restez dans le style de l’auteur. Nous adaptons le plus gros succès en librairie
de l’année, soyez créative dans le respect de la veine. Taillez en finesse dans le filon
fictionnel de Mulo — Maeva crut entendre « dans le fion fictionnel ». Petit sourire
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mesquin en coin. Après des années à bûcher l’histoire du 7 art, couronnées par un
master, un rien l’amusait. Tailler dans le fion de Mulo par exemple.
Comment devient-on scénariste ? Trois ans plus tôt, entretien d’embauche mené fissa
par Greg. Ce perfectionniste recevait lui-même les candidats. En écrivant les rédacs
de toutes mes copines depuis le CM2 avait-elle répondu sincèrement. Elle signait le
jour même.
Cela faisait trois ans qu’elle n’avait pas pris de vacances. La nuit pour finaliser une
story board qui commence par « elle attendait sur le quai ». En voilà une trouvaille.
C’est quand même une idée subsonique, attendre sur un quai. Franchement, le
Guillaume Mulo avec ses tirages de fou, 400 000 exemplaires pour « La fille brisée »,
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