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Le cousin d’Elodie haussa les épaules en guise de réponse.



                   Mathias ne se trompait pas en invoquant « une bande de joyeux drilles un peu bruyante ».
               Les gars, une dizaine, se tapaient dans les mains, parlaient et riaient fort sans se poser la

               question de la gêne occasionnée aux autres voyageurs. Ils avaient endossé le dossard « maîtres

               du wagon », ceux qui octroient le droit de subir ou, à défaut, de quitter la rame. Assis face à
               face sur une série de quatre sièges, ils se parlaient comme s’ils étaient attablés, seuls, au

               restaurant.
                   — Tiens Mathilde, prends ma place à côté de Melvin.

               Tout sourire, le jeune antillais lui faisait de grands signes pour l’inviter à s’asseoir.

                   — Non, pas question ! Tu ne vas pas rester debout tout le trajet à cause de moi ?
                   — Tu rigoles. Ce n’est pas un souci pour des gentlemen comme nous. Hein les gars ?

               Des « yeah » et des « ouais » fusèrent en guise de réponse. Et devant le regard interrogateur
               de son invitée, il ajouta rassurant :

                   — T’inquiète, tu vas vite te rendre compte que nous ne savons pas rester en place.

               Son visage encore juvénile resplendissait la joie. Tout a l’air si facile pour lui pensa-t-elle en
               s’asseyant, et il est si prévenant, on le croirait tout droit sorti de mes romans favoris.

               Mathilde se sentit plus légère encore de quelques cailloux. Ils devaient certainement être
               restés place 37.

                   — Mat’, prends ma place. J’dois aller pisser, l’interpela son ami assis à côté de son siège.
               Un clin d’œil de remerciement plus tard, Mathias s’asseyait à gauche de Mathilde. Elle se

               pencha vers lui.

                   — Alors, que disent les nouvelles du jour ?
               Le jeune homme marqua un temps d’arrêt, les sourcils froncés.

                   — Ton journal, acheté en gare ? Avec l’entrain que tu as mis pour aller le chercher, tu ne
                      vas pas me dire que tu ne t’es pas jeté dessus une fois revenu à ta place ?

               Toujours cette pointe de moquerie dans la voix et le regard. Si les choses avaient été
               différentes, il lui aurait répondu qu’une fois dans le train, sa première idée avait été de la

               trouver. Il lui répondit simplement :

                   — Non, c’était pour relever le défi. En plus, je ne sais même pas où je l’ai mis.
               Il n’avait pas saisi la douce moquerie que Mathilde avait tenté de distiller dans sa question.

               Vexée, elle s’enfonça dans son siège. Melvin lui toucha le bras pour attirer son attention.

                   — Laisse tomber, il a dû griller ses derniers neurones dans sa course folle. Il faut dire
                      qu’il nous a tous épaté aujourd’hui. La troisième tentative aura été la bonne.

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