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N° 33                       Cap’ ou pas cap’ ?




                   Elle se tenait sur le quai. Elle repensait aux derniers jours passés avec celles qu’elle
               avait considérées comme ses amies. Un malaise persistait en elle. Ses pensées furent

               interrompues par l’arrivée du train. La porte s’ouvrit, elle mit un pied sur la première
               marche, leva la tête et s’arrêta brusquement.

                   — Mathilde ? Mathilde Nodin ?

               Elle grimaça. Son patronyme lui rappelait qu’à trente-cinq ans, elle était engluée dans le
               célibat. Elle ne cherchait pas particulièrement le mariage mais une personne avec qui partager

               la vie.
                   — Ça dépend, s’entendit-elle répondre. Vous lui voulez quoi ?

                   — Qu’elle se pousse, j’ai un défi à relever. Mais après…

               L’homme laissa sa phrase en suspens, sauta du marchepied et détala. Mathilde se retourna
               pour l’observer partir en trombe avant de monter dans le train. C’était qui ce gars ? Des rires

               communicatifs provenant du wagon de gauche mirent fin à sa réflexion. Elle sourit en
               consultant le plan du train. Coup d’œil sur son billet. Place 37. Nouveau coup d’œil sur le

               plan. Place 37, wagon de droite. La vie était décidemment contre elle. A l’image de son week-

               end de disputes. Résultat ? Des amies d’enfance en moins et un énorme caillou de plus dans
               l’estomac.



                   Sa place donnait sur le quai. Dehors, le contrôleur resté en gare faisait signe au conducteur

               qu’il était temps de partir. L’arrêt est court ici, constata-t-elle pour elle-même. Les familles
               nombreuses et chargées de valises ont intérêt à être à l’heure. Elle imaginait à la scène : l’ado

               courant vers le chef de quai pour signaler l’arrivée imminente de sa famille et solliciter sa

               pitié : « ne sifflez pas encore le départ, je vous en prie ! » ; la mère, épuisée autant par le
               stress de rater le train que par le nombre d’enfants à sa charge – cinq –, s’assurant que sa

               progéniture la suive et monte bien dans le wagon ; le père, au loin, en sueurs malgré le froid
               qui mord les joues, soutenant une femme particulièrement âgée, l’exhortant, en vain, de faire

               un effort pour aller plus vite : « allez mamie, on y est presque… ». Quelle horreur ! Mathilde,

               publicitaire infatigable, secoua la tête pour chasser ce scénario. Je tiens mon idée si un jour
               une compagnie de taxi souhaite mettre en avant ses qualités de ponctualité dans une

               campagne pub…





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