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avec ironie. Un rictus plus qu’un sourire apparu sur son visage. Il n’en fallait pas plus pour
lancer Mathias :
— Cap’ ou pas cap’ de finir ton trajet avec les hommes les plus immatures du train ?
Les portes du wagon s’ouvrirent sur une sourde acclamation. Mathias aurait été
médaillé d’or olympique, ses amis n’auraient pas fait plus de bruit. Le wagon n’était que
chants, cris et rires. Le contrôleur tentait bien de calmer le groupe mais, dans sa tenue trop
grande pour lui, il semblait manquer d’expérience en la matière.
— A notre héros du jour s’égosillait un des gars en faisant tourner une écharpe au-dessus
de sa tête.
Impressionnée par le bruit et tant de ferveur, Mathilde suivait Mathias de près, pour ne pas le
perdre de vue. Dans un couloir de train ? Cette idée la fit sourire. Un troisième,
décidemment… Ce garçon maîtrisait l’art de transformer les cailloux en poussière.
— Un exploit, une nana… Ben alors Don Juan, tu nous présentes ta nouvelle copine ?
— Arrête Bastien, t’es lourd !
Silence absolu dans la rame. Les passagers affichèrent une mine incrédule mais soulagée, le
contrôleur, resserrant son nœud de cravate, en tête. Les amis de Mathias le regardèrent
stupéfiés.
— Depuis quand on est lourd lorsqu’on parle d’une nana Mathias ? demanda un métis à
l’accent antillais prononcé.
— Déconnez pas les gars. Mathilde, c’est presque la famille.
Les copains du groupe hochèrent collégialement la tête l’air entendu. Mathias la précédait
dans le couloir et elle ne voyait ni son visage ni ses mains mais elle aurait juré qu’il avait
ponctué sa phrase d’un signe. Il se retourna et lui offrit un sourire contrit. La jeune fille ne
savait pas si elle devait être touchée ou blessée par cette remarque. La famille, la famille ? !
Uniquement si tu m’embrasses et tu m’épouses…Et déjà elle se voyait remontant l’allée au
bras de son père, le sourire aux lèvres. Le prêtre débuterait son homélie par un « à tous et ceux
et à toutes celles qui avaient parié que Mathilde finirait vieille fille (silence suspense), sortez
les billets ! » Mathilde se pinça la cuisse pour chasser cette image qui lui redonnait pourtant
foi en son avenir.
— Ah la vache ! Tu nous as fait peur ! se décida à répondre le prénommé Bastien.
La tension retomba soudain et ses amis se remirent à l’acclamer pour son exploit tout en
souhaitant la bienvenue à Mathilde, au grand dam des passagers de la rame.
— Quand même, c’est bien dommage crut-elle entendre dans le brouhaha.
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