Page 203 - tmp
P. 203

Bien entendu Marig ne put cacher très longtemps sa relation avec le jeune Russe. Ce fut lors d’une

            répétition pour un concert qu’elles devaient donner à Fougères en 2012 pour fêter le 900 ème
            anniversaire de la fondation de l’Abbaye de Savigny qu’elle parla de la première lettre, des suivantes,

            du concert à Paris et des  semaines de braise passées avec Anton . Les amies étaient tout excitées et
            Gabrielle s’enquit même de la date du mariage : “ pas si vite. On l’a évoqué  mais de toutes façons il

            faut que je finisse mes études  et lui veut devenir soliste invité à travers le monde donc ce sera un peu
            compliqué. Mais j’y  pense. ” On décida de sabler le  champagne. La soirée se passa dans la bonne

            humeur même si Marig sembla déceler un  retrait dans l’attitude de Clarisse qu’elle interpréta comme

            un léger trait de jalousie. Elle questionna ses camarades ;” Mais vous au fait, on en êtes vous avec les
            amours ?” Il s’avéra que ceux ci étaient au point mort, toutes se retranchant derrière les études à mener

            et l’instrument à travailler. Seule Clarisse se laissa aller à un :” Moi c’est plutôt Tinder par ci Tinder par
            là .Certains s’accrochent mais  franchement je ne me vois pas me fixer si vite que toi “ dit elle en se

            tournant vers Marig.
            En fin d’été 2013 Anton prévint Marig qu’il avait une carte blanche  pour donner un  concert l’été

            suivant dans l’Abbaye du Mont Saint Michel et qu’il souhaitait se faire accompagner par le Quatuor

            Neva pour rejouer le “ quintette en sol mineur de Chostakovitch”. Toutes, se rappelant ces merveilleux
            moments à Saint Petersbourg, laissèrent éclater leurs joies. Les répétitions du quatuor se multiplièrent

            car la réputation d’Anton était désormais totalement établie.

            En février 2014 Marig et Anton avait décidé d’une semaine aux sports d’hiver dans les Alpes. Installés
            dans un somptueux chalet prêté par un des amis d’Anton ce furent des vacances paradisiaques rythmées

            par de folles descentes en ski, des batailles de boules de neige comme s’ils étaient encore des gamins
            de dix ans et de dîners aux chandelles sur les hauteurs de Méribel.

            En fin d’après midi du 28 février Marig alluma la radio tandis qu’Anton était dans la salle de bains.
            Elle frémit quand une journaliste annonça la prise du parlement de Crimée par des hommes à la solde

            de Moscou. Instinctivement elle comprit que le temps de l’insouciance et du bonheur était compromis.

            Quand Anton entra dans le salon, elle l’informa . Sa réaction fut immédiate :” Il était temps que nous
            puissions faire valoir nos droits sur ce territoire que l’Ukraine s’est accaparée.” Marig ne répondit pas

            et fut tétanisée par l’éclat que prirent les yeux de son amoureux. Elle apprécia de devoir rentrer à Paris
            le lendemain car elle avait un rendez vous avec un haut responsable du Quai d’Orsay.

            Jusqu’à l’été , les lettres se firent moins tendres, les coups de fil furent écourtés , l’essentiel des propos
            tournant autour du prochaon concert. Marig savait que sa belle histoire était terminée mais bizarrement

            elle n’en éprouvait pas une douleur insurmontable. Avant la répétition, un jour avant le concert , ils


            6
   198   199   200   201   202   203   204   205   206   207   208