Page 150 - tmp
P. 150

- Madame ! Je crois que vous vous êtes trompée de place. Vous avez pris le siège

                   de ce Monsieur.
                   Chloé se sentit confuse. Elle s’excusa en souriant à l’inconnu qui attendait dans la

                  travée et se leva. Elle récupéra sa valise. Elle n’avait plus qu’une solution.

                  S’asseoir sur un strapontin dans l’espace à bagages en espérant ne pas être
                  contrôlée. Si c’était le cas, elle trouverait bien une explication plausible. Elle jeta un

                  œil à l’autre bout de la voiture. La porte s’ouvrait, se refermait. Des gens rentraient,
                  encombrés de sacs, leur billet à la main. Elle alla s’installer sur le siège étroit et se

                  plongea dans le polar qu’elle avait commencé une semaine avant. Elle lut

                  quelques pages et referma le livre. Impossible de se concentrer. Elle ne pouvait
                  s’empêcher de penser à son frère. Dix ans qu’il était parti. Disparu sans jamais

                  donner de nouvelles et, comme par miracle, il refaisait surface dans le train qui la
                  ramenait chez elle. Derrière la porte vitrée, quelques voyageurs somnolaient,

                  d’autres étaient fixés sur leurs écrans. La voiture baignait dans une douce torpeur.

                  Soudain, son regard se fixa plus loin, du côté des sanitaires. Un homme scrutait
                  l’intérieur de la voiture comme s’il cherchait quelqu’un. Un bref instant, elle crut voir

                  Mathieu. Sans réfléchir, elle glissa du strapontin et resta accroupie. Elle n’osait
                  plus bouger. Elle se releva lentement et se risqua à regarder. L’inconnu était

                  encore là mais elle s’était trompée, ce n’était pas son frère.
                  Tout cela était absurde. Elle respira un bon coup et ouvrit la porte. Il était temps

                  pour elle de retrouver Mathieu. Elle traversa le couloir et se faufila dans la voiture

                  seize. Elle le repéra vite. Il dépassait d’une bonne tête tous les autres voyageurs et
                  dormait paisiblement. Drôle de hasard, le siège, qu’elle aurait dû prendre au départ,

                  se situait juste en face de lui. Discrètement, elle s’y installa. Elle prit alors le temps
                  de l’observer. Ses traits, qu’elle croyait avoir oubliés, lui paraissaient maintenant

                  familiers. Nez fin, bouche bien dessinée, cheveux touffus, sourcils épais. Seul le

                  carré de son visage s’était affermi accentuant ses pommettes saillantes et son
                  large front. Il bougea légèrement la tête et ouvrit les yeux. À peine surpris de voir

                  sa sœur assise devant lui.
                                                              3
   145   146   147   148   149   150   151   152   153   154   155