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Alors, elle se força à admirer le paysage qui défilait derrière la vitre.
Elle repensa à ses deux copines, Maud et Julie, qu’elle venait de quitter. Chloé ne
les avait pas revues depuis plus d’un an. Elle les avaient appelées plusieurs fois
mais avait ressenti une certaine distance dans leurs échanges. Elle en avait été
très déçue. Pour en avoir le cœur net, elle avait donc pris l’initiative d’aller passer
quelques jours avec elles. Cette courte plongée dans le Paris de sa vie d’avant ne
s’était pas trop mal passée. Maud et Julie l’avaient bien reçue et Chloé avait
apprécié. Mais elle n’était pas dupe. Leurs embrassades furtives, leurs sourires
forcés, leurs regards fuyants étaient révélateurs du ressentiment qu’elles
éprouvaient envers elle. Toutes les deux lui en voulaient de les avoir lâchement
abandonnées. Comment avait-elle pu quitter la belle carrière que lui offrait sa boîte
de Pub pour aller s’enterrer au fin fond de la Charente ? Pour elles, c’était
inconcevable.
Pourtant, Chloé n’était pas partie sur un coup de tête. Cette idée de changer de
vie l’obsédait depuis déjà quelque temps. Elle leur en avait beaucoup parlé et s’y
était bien préparée. Elle avait suivi une formation d’environnement et avait passé le
concours de l’ONF avec succès. Depuis un an, elle était garde-forestière stagiaire
dans le nord de la Charente et cette mission lui convenait parfaitement.
Maud et Julie ne lui pardonnaient pas. Chloé se sentait décalée désormais en leur
compagnie. Les fou-rires d’antan, leur relation fusionnelle d’adolescentes, cette
symbiose à trois qui les animait, tout cela s’était évaporé. Le fil de l’amitié s’était
érodé et elle avait bien compris qu’elles ne se reverraient plus. Après tout tant pis.
Maintenant qu’elle avait tiré un trait sur son passé, elle n’avait plus besoin de
rendre des comptes à qui que soit. Elle était bien dans sa maison forestière, au
milieu des arbres, des oiseaux et des animaux.
Le train filait à travers la campagne et Chloé se laissa bercer par son roulis
cadencé. Elle finit par s’endormir. Une légère pression sur le bras la réveilla. Elle
ouvrit les yeux et découvrit que le train était à l’arrêt en gare de Poitiers. Un va-et-
vient de voyageurs s’activait dans les voitures. Sa voisine se pencha vers elle et lui
chuchota à l’oreille :
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