Page 149 - tmp
P. 149

Alors, elle se força à admirer le paysage qui défilait derrière la vitre.
                  Elle repensa à ses deux copines, Maud et Julie, qu’elle venait de quitter. Chloé ne

                  les avait pas revues depuis plus d’un an. Elle les avaient appelées plusieurs fois
                  mais avait ressenti une certaine distance dans leurs échanges. Elle en avait été

                  très déçue. Pour en avoir le cœur net, elle avait donc pris l’initiative d’aller passer

                  quelques jours avec elles. Cette courte plongée dans le Paris de sa vie d’avant ne
                  s’était pas trop mal passée. Maud et Julie l’avaient bien reçue et Chloé avait

                  apprécié. Mais elle n’était pas dupe. Leurs embrassades furtives, leurs sourires
                  forcés, leurs regards fuyants étaient révélateurs du ressentiment qu’elles

                  éprouvaient envers elle. Toutes les deux lui en voulaient de les avoir lâchement

                  abandonnées. Comment avait-elle pu quitter la belle carrière que lui offrait sa boîte
                  de Pub pour aller s’enterrer au fin fond de la Charente ? Pour elles, c’était

                  inconcevable.
                   Pourtant, Chloé n’était pas partie sur un coup de tête. Cette idée de changer de

                  vie l’obsédait depuis déjà quelque temps. Elle leur en avait beaucoup parlé et s’y

                  était bien préparée. Elle avait suivi une formation d’environnement et avait passé le
                  concours de l’ONF avec succès. Depuis un an, elle était garde-forestière stagiaire

                  dans le nord de la Charente et cette mission lui convenait parfaitement.
                  Maud et Julie ne lui pardonnaient pas. Chloé se sentait décalée désormais en leur

                  compagnie. Les fou-rires d’antan, leur relation fusionnelle d’adolescentes, cette
                  symbiose à trois qui les animait, tout cela s’était évaporé. Le fil de l’amitié s’était

                  érodé et elle avait bien compris qu’elles ne se reverraient plus. Après tout tant pis.

                  Maintenant qu’elle avait tiré un trait sur son passé, elle n’avait plus besoin de
                  rendre des comptes à qui que soit. Elle était bien dans sa maison forestière, au

                  milieu des arbres, des oiseaux et des animaux.
                   Le train filait à travers la campagne et Chloé se laissa bercer par son roulis

                  cadencé. Elle finit par s’endormir. Une légère pression sur le bras la réveilla. Elle

                  ouvrit les yeux et découvrit que le train était à l’arrêt en gare de Poitiers. Un va-et-
                  vient de voyageurs s’activait dans les voitures. Sa voisine se pencha vers elle et lui

                  chuchota à l’oreille :
                                                              2
   144   145   146   147   148   149   150   151   152   153   154