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Il resta bouche bée, alors qu’elle s’éloignait rapidement. Il n’était pas forcément fier de lui, ce
               n’était pas son genre d’être à ce point inconvenant. Pris de remords, il voulut s’excuser, mais la

               demoiselle avait déjà disparu.

               Enola, Enola répétait-il sans cesse.  C’était incroyable !  Il souriait à l’idée qu’Enola  était

               l’anagramme parfaite d’alone, mais en plus c’était un prénom d’origine mapuche. Il y voyait
               assurément un signe du destin.


               Quoique ! Il  eut un doute et  pencha pour une version plus plausible.  Ses parents  devaient
               admirer Sherlock Holmes et ils avaient alors choisi d’appeler leur fille comme la sœur de ce

               cher détective.

               L’incident était quasi oublié quand ils se rencontrèrent à nouveau, dans l’entrée de l’immeuble.

               Le jeune homme présenta platement ses excuses à Enola pour son comportement et son audace
               qui avait frôlé l’irrespect. Jamais il ne s’était autorisé de tels agissements. C’est tout penaud et

               hésitant qu’il lui offrit néanmoins de partager une tasse de thé pour se faire pardonner. Enola
               fit semblant de réfléchir un instant avant d’accepter. Elle le trouvait un tantinet impudent, mais

               en même temps si séduisant.

               Elle lui emboîta le pas. Il ouvrit fébrilement la porte de l’appartement, s’effaça pour la laisser

               entrer et aimablement, l’invita à rejoindre la salle au fond du couloir. Enola connaissait les

               lieux. Son regard balaya silencieusement la pièce. Elle prit place dans le vieux canapé tout
               avachi pendant que son hôte préparait le thé. Il fit à nouveau amende honorable et il se rendit

               compte qu’il ne s’était même pas encore présenté.

               Il lui indiqua qu’il s’appelait Paco Rugendas et qu’il enseignait l’histoire quelques heures par

               semaine dans un établissement de la commune en même temps qu’il terminait une thèse sur les
               peuples premiers d’Araucanie et de Patagonie. Son ancêtre, le peintre Rugendas avait parcouru

               le monde. De ses voyages en Amérique latine, il avait rapporté en Europe divers tableaux des
               peuplades indigènes et de leurs coutumes. Ces tableaux sur les Mapuches l’avaient toujours

               fasciné, il se passionnait pour l’histoire de ce « peuple de la terre », ces Amérindiens de la

               Cordillère des Andes.

               Paco avoua à Enola que son prénom d’origine mapuche l’avait alors interpellé, comme le signe

               de leur rencontre inévitable. La jeune femme n’eut pas le temps de le contredire qu’il continuait
               son discours.


               De son aïeul, il tenait aussi probablement son goût prononcé pour la peinture et le dessin. En
               acceptant ce poste au collège d’Asnières-sur-Seine, il se sentait l’âme d’un Émile Bernard ou

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