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- « Oh oui… hier après-midi j’avais 38,8° ».
              -  « C’est normal… »  -  (dans ces cas-là, toujours dire que c’est  « normal »)  -  « … et depuis

              quand êtes-vous dans cet « état » ? ».
              - « Environ deux ou trois jours… mais au début c’était « léger »… et depuis je me sens de plus

              en plus faible et de plus en plus mal… »

              - « Ecartez un peu le pan de votre robe de chambre… du côté du cœur ».
              Elle saisit enfin son stéthoscope et en ajusta les embouts à ses oreilles : on allait passer aux

              choses « sérieuses ».
              Elle glissa  la pastille métallique froide de l’instrument sous le vêtement, et fit mine de se

              concentrer pour écouter.  Le rythme  cardiaque était accéléré, mais elle n’avait pas besoin de
              l’appareil pour le savoir. En dehors de cela, elle ne nota aucune autre anomalie ;

              « Tournez-vous… dégagez un peu vos épaules ».

              Il fit glisser à demi le vêtement le long de son dos.
              Elle y appliqua le capteur (qui avait été un peu réchauffé, à présent) au niveau d’un poumon :

              - « Inspirez à fond… retenez… expirez ».

              Elle recommença la même opération avec l’autre poumon.
              - « Toussez, à présent… ».

              Ce dernier exercice était bien inutile, elle le savait, mais il était important de parler au patient, de
              communiquer avec lui  et  de  lui montrer ainsi que l’on s’intéressait  plus à lui qu’à ses

              symptômes ou au fonctionnement de son organisme. Tout cela faisait partie d’un rituel étudié.
              - « Vous pouvez vous « rhabiller » ». (Cette dernière phrase également était importante - même

              si elle n’était que relativement de circonstance - car elle était censée impliquer implicitement :

              « Tout va bien, il n’y a rien de grave »).
              Ce qui n’empêcha pas l’ausculté d’en vouloir une confirmation plus explicite :

              - « Alors… ? ».
              - « Alors vous êtes victime de ce que l’on appelle un « état grippal »… une simple « grippe », si

              vous préférez. Je vais vous prescrire un antipyrétique, un antalgique et un antitussif … cela fera
              chuter votre fièvre, vous soulagera de vos maux de têtes et courbatures, et le sirop calmera votre

              toux ».

              Elle ne négligeait jamais d’allier les termes techniques à leur version en un langage plus courant
              qui en éclairait le sens.  Les premiers officialisaient et validaient le traitement, la seconde le

              rendait compréhensible. Il ne lui avait pas échappé que son patient présentait parallèlement à sa

              maladie des signes hypocondriaques qui en accentuaient les effets, ce  qui est courant. Bien

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