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Elle tenta encore de poursuivre :
- « … Quant à votre rendez-vous… il ne devrait plus tarder à arriver ».
- « Il est déjà là ».
Toujours ce ton ambigu qui pouvait être interprété comme manifestant du regret, de la
satisfaction ou… la neutralité d’un simple constat.
Elle ne put s’empêcher d’avoir une moue fugitive qui contrasta avec l’impression de
détachement qu’elle voulait donner, ce qu’elle regretta aussitôt.
Elle n’eût d’autre recours pour se préserver un semblant de contenance que d’utiliser, comme
par un réflexe acquis, le « joker » d’une formule toute faite :
- « Je vous souhaite une bonne journée ».
Sur quoi elle fit volte-face, s’enfuyant presque.
Heureusement, l’ascenseur était tout proche, ce qui lui évita de montrer trop de précipitation à le
rejoindre.
Il n’y avait eu aucun commentaire, pas même un rendu poli, ni le plus petit remerciement
conventionnel.
Elle garda ostensiblement le dos tourné pour ne pas risquer d’avoir à voir ce quelle redoutait :
qu’il ait disparu aussi soudainement qu’il était apparu. Par bonheur, la cabine était demeurée à
l’étage. C’est donc presque de profil qu’elle s’y engouffra, le regard tourné vers le fond du
couloir, comme si elle y cherchait une inspiration absconse. Tant pis si ce comportement
paraissait bizarre ! De toute façon, il n’était certainement déjà plus là.
La double porte de protection refermée, elle appuya sur le bouton du 5 ème . La cage eût un hoquet
et prit son élan pour une courte ascension au terme de laquelle elle s’immobilisa de nouveau
brusquement. La première porte coulissa en accordéon, elle poussa la seconde, la franchit, et
obliqua sur la gauche.
Il ne lui fallu que quelques enjambées pour enfin parvenir à bon port.
C’était l’appartement juste au-dessus de celui où elle s’était pointée par erreur.
Avant d’appuyer sur la sonnette, elle vérifia malgré tout le nom qui y figurait : il correspondait
bien à celui qui lui avait été indiqué.
La porte ne tarda pas à s’ouvrir et révéla un homme de taille moyenne, assez « rondouillard »,
pratiquement chauve, bien que n’ayant certainement pas plus que la quarantaine.
Il était enveloppé dans une robe de chambre et chaussé de charentaises. Le contraste avec
l’occupant de l’appartement de l’étage inférieur était saisissant. Hormis la tranche d’âge, il
n’avait rien en commun avec ce dernier : c’était même son parfait opposé.
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