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ce dont elle avait besoin pour dispenser ses soins en la posant sur la moquette mal entretenue ;
elle alluma le plafonnier et balaya les lieux du regard avant d’observer plus attentivement ce
drôle de bonhomme. Elle s’immobilisa alors pendant quelques secondes, puis se laissa tomber
plus qu’elle ne s’assit, dans le grand fauteuil placé à gauche du lit. Une table de nuit
encombrée de boites de médicaments et d’un cendrier débordant de mégots, la séparait
maintenant du malade. Elle ferma les yeux, crispa les paupières pendant un court instant avant
de les rouvrir, doucement, lentement, retardant le moment où elle se retrouverait face à cet
individu…
« Ce n’est pas possible ! Je rêve… » Mais la réalité était là, face à elle. « J’ai vraiment
confondu quatrième étage et cinquième, je suis entré dans ce logement inconnu et je me
retrouve face à un homme allongé dans son lit. J’ai des hallucinations ? Il faut absolument que
je dorme quelques minutes ! »
Mais la voix grincheuse du triste individu eut vite fait de la secouer :
– Hé, c’est pas le moment de s’endormir ! J’ai mal moi !
Denise s’extirpa difficilement de son fauteuil et s’approcha du grognon pour le questionner :
– Où avez-vous mal ?
– A la jambe. La droite. Je ne peux plus la plier depuis hier soir, mon genou est bloqué.
Il remarqua la moue écœurée de l’infirmière qui le regardait des pieds à la tête.
– C’est pour ça que j’ai dormi tout habillé…prétexta-t-il.
– Bon je vais voir ça.
Elle commença par ouvrir la fenêtre pour évacuer les odeurs de renfermé et de tabac qui
empuantissaient la chambre, puis enfila des gants chirurgicaux avant de s’approcher du
souffrant. Elle examina succinctement la jambe par-dessus le pantalon, puis l’aida à le retirer.
Quelques palpations, deux ou trois essais de pliage du membre, accompagnés de grimaces de
douleurs et de hurlements exagérés du patient lui confirmèrent son diagnostic : probablement
un fragment de cartilage, de ménisque, ou même d’os qui entravait le mouvement et
provoquait cette douleur.
– Je ne peux rien faire pour vous. Il vous faut contacter un médecin qui ordonnera une radio.
Je ne suis qu’infirmière et ceci n’est pas dans mes cordes. Je suis désolée…
– Mais vous n’allez pas me laisser comme ça !... Faites quelque chose !
Elle le regarda pendant plusieurs secondes, avant de reprendre :
– La seule chose à faire c’est d’appeler votre médecin. Je peux vous donner quelques
numéros de téléphone que vous appellerez de ma part si vous voulez. Vous avez un appareil à
portée de main ?
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