Page 69 - affiche-plume-2020.indd
P. 69

N° 41                       L’incroyable erreur


               Elle avait eu maintes fois l’occasion d’être appelée pour des soins urgents au 32, avenue du
               manoir, 5 ème   étage porte gauche.  Mais ce matin-là, fatiguée par une nuit d’insomnie, elle

               s’arrêta au 4 ème  étage, et frappa porte gauche.
               « Enfin ! C’est pas trop tôt… » cria-t-on de l’intérieur.

               Pour ajouter aussitôt : « ! Entrez, c’est ouvert. ».

               Le son de cette voix masculine et le ton acariâtre employé lui firent froncer les sourcils : ce
               n’est pas la voix de monsieur René ! pensa-t-elle.  Monsieur René qui l’accueillait toujours

               avec un  grand sourire et quelques mots aimables.  Elle  ouvrit la porte  et  pénétra dans un
               appartement qu’elle ne reconnut pas.  Etonnée, elle s’interrogea quelques secondes, l’esprit

               embrumé par le manque de sommeil, se demandant s’il lui fallait  ne rien dire et  ressortir
               aussitôt ou s’il était préférable de s’avancer vers le fond du logement, d’où provenaient les

               propos du râleur.


               – Alors, ça vient ? reprit celui-ci d’une voix rogue.
               – Monsieur, je suis désolée mais j’ai dû me tromper  d’étage et j’ai pénétré chez vous par

               erreur. Je vous prie de m’excuser. Je repars immédiatement, ajouta-t-elle en faisant demi-tour.
               – Vous êtes l’infirmière que j’ai appelée, non ?

               –  Je suis effectivement infirmière, mais pas celle que vous appelée ! Je vais donc laisser la

               place à ma consœur, qui ne va sûrement pas tarder…
               – Il n’en est pas question ! Maintenant que vous êtes-là approchez-vous ! J’ai besoin de votre

               aide. J’ai mal. Je souffre terriblement !
               Denise, qui avait déjà tourné le dos, hésita un court instant à poursuivre son chemin, avant de

               se raviser. Son sens du devoir prit le dessus : « Peut-être que cet homme a réellement besoin
               de moi… »  se dit-elle. Le  métier d’infirmière,  un sacerdoce à  ses débuts était, au fil des

               années, devenu pour elle une profession comme une autre mais elle continuait à faire preuve

               de compassion  pour toutes les personnes qui souffraient,  aussi  s’avança-t-elle dans le
               domicile. Elle emprunta  le couloir qui  semblait  conduire  à  la source  des grognements

               d’impatience. Celui-ci longeait une cuisine, puis un salon dans lequel trônait une table basse

               encadrée par quatre fauteuils de cuir craquelé. Il se prolongeait encore de quelques mètres
               pour aboutir enfin à une chambre mal éclairée. Elle poussa légèrement la porte entre-baillée

               et, interdite, se retrouva face à un immense lit dans lequel gisait un homme dépenaillé, hirsute,
               allongé sur des draps grisâtres et froissés, la tête reposant sur un oreiller auréolé de taches de

               transpiration. Denise se débarrassa de la sacoche de cuir noir dans laquelle se trouvaient tout

                                                            1
   64   65   66   67   68   69   70   71   72   73   74