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était préparé pour un petit-déjeuner imminent.
Tasses en porcelaine, couverts en argent, divers pains et brioches dans des corbeilles,
beurre, miel, confitures variées, coupes de fruits... Et surtout... surtout... thé fumant dans
une délicate théière aux motifs japonais, café qui semblait avoir été déposé sur la table à
l'instant, chocolat dont le parfum chatouillait agréablement ses narines. Elle qui avait
travaillé toute la nuit et qui n'avait eu le temps d'avaler que deux ou trois expressos pris
sur le pouce devant la machine à café du service.
Elle découvrit aussi une carafe en cristal pleine de jus d'orange frais.
L'infirmière s'attendait à voir l'heureux ou l'heureuse propriétaire de ces lieux (elle n'avait
pas vraiment pu identifier la voix), mais non, personne.
Elle entendit seulement à nouveau la voix déjà perçue auparavant, émanant d'une pièce
lointaine et l'enjoignant de s'installer à table, précisant que ce petit-déjeuner avait été
préparé spécialement pour elle.
Nina n'arrivait même plus à penser tant la situation lui semblait invraisemblable. Sans se
poser plus de questions, alléchée par toutes ces propositions appétissantes et les effluves
qui s'en dégageaient, elle prit place sur une lourde chaise dont l'assise était recouverte
d'une tapisserie à l'ancienne reproduisant une scène de chasse et se servit de tout en
petite quantité : pour rien au monde elle n'aurait raté l'un de ces délices mis à sa
disposition.
Que cela lui faisait du bien !
Oubliée sa fatigue de la nuit, oubliée sa patiente et son sms, évanoui son moment de
surprise...
Au moment où elle avait pris place à la table, une musique de Mozart avait envahi la pièce.
Instruments de l'orchestre, violons et violoncelles l'avaient alors enveloppée d'un bien-être
inouï.
Cet appartement doit être celui d'un vieil aristocrate nostalgique d'un temps passé... se
surprit-elle à penser, alors qu'elle arrivait au bout de ce petit-déjeuner plus que copieux et
particulièrement insolite.
C'est à ce moment-là qu'elle prit conscience de sa présence : il était là, au bout de la
longue table et il l'observait, immobile. Depuis combien de temps ?
La magie s'envola brusquement, le monde de la réalité à nouveau en place.
Nina, tu es folle, complètement folle ! pensa t-elle instantanément.
Elle se leva d'un bond, bousculant la chaise tapissée, fixant l'homme, prête à se précipiter
hors de l'appartement ou à lui faire face au cas où ses intentions seraient ambiguës voire
inquiétantes .
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