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rien cependant, toujours autant chevillée à ses croyances philosophiques, tout en mesurant
               chaque jour la difficulté de son ouvrage, le fossé immense, de plus en plus béant, entre le

               possible et son idéalisme.


               Après avoir fait le tour de l'appartement sans succès, elle décida de sortir, toutefois surprise
               d'avoir réussi à entrer si facilement dans les lieux.


               " La fatigue, j'ai besoin de vacances, je prends mes désirs pour des réalités, j'entends des voix

               "  pensa t'elle finalement.

               Tout en descendant les marches de l'immeuble pour sortir à l'air libre ( l'ascenseur ne

               fonctionnait pas, soit en panne, soit squatté par les dealers pour leurs perpétuelles livraisons ),

               elle se demanda qui pouvait  bien vivre dans un tel débarras de détritus et d'odeurs
               nauséabondes. Il lui faudrait peut être en référer au commissariat voisin, pour qu'ils inspectent

               en profondeur l'endroit. Tout cela n'était pour elle que routine dans son travail de thérapeute,

               "un réflexe nerveux" qui revenait à chaque fois qu'elle découvrait en profondeur la misère de
               ce territoire.


               Tandis qu'elle faisait quelques pas en direction de sa voiture, elle entendit derrière elle, venant
               sans doute du hall de l'immeuble qu'elle venait d'abandonner, un  cri strident suivi de l'

               interpellation suivante :


               " Je vous attendais et déjà vous m'abandonnez ? "


               Perplexe, elle se retourna pour contempler...  le vide.  Elle  inspecta  sa montre qui marquait
               seize heures. Dans trente minutes commençaient  à son cabinet les consultations du soir; il

               était temps d'y aller malgré le doute qui doucement s'insinuait en elle.


               Elle démarra sa Twingo tout en s'interrogeant encore une fois sur la provenance de cette voix
               mystérieuse mais décida de rompre pour le moment avec ça, réalité ou imaginaire, pour rester

               concentrée sur son devoir de médecin.


               Un gros orage vivace déversait des trombes sur son pare brise et elle se retrouva trempée sur
               le seuil de sa maison,  cherchant ses clefs dans son sac à main pour  entrer par derrière,

               tellement longtemps qu'elle se rua ensuite vers la salle de bain pour se sécher et recevoir les
               premiers patients qui l'attendait déjà dans la salle d'attente. Le miroir lui refléta son visage

               fatigué et des cheveux qui grisonnaient de façon catastrophique, ce qui entama davantage son

               courage. Elle eut envie de fuir, mais elle n'avait pas le choix et ne pouvait pas abandonner ses

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