Page 308 - tmp
P. 308

submergeaient une partie des Cévennes et du Roussillon et qu'une prise d'otages avait lieu dans la

             banlieue lyonnaise. Elle soupira tandis qu'une voix enjouée annonçait un tirage exceptionnel de la
             Française des Jeux en raison du vendredi 13. « Et si je jouais ? ...Pour une fois ? Après tout, le

             vendredi 13 n'est pas forcément jour de malheur. Ça  peut aussi être un jour de chance !! Ne
             tombons pas dans les schémas réducteurs ! »

                           Et, galvanisée, elle alla s'habiller, constata dans la glace que son allure était, ma foi, très
             convenable, puis elle vérifia une dernière fois son cartable. Oui, tout y était : son livre, ses notes,

             sa préparation. Elle avait opté pour une étude du poème de Rimbaud « Le Dormeur du val » avec

             sa classe de 4ème C. Ce n'était pas la meilleure de ses classes, c'était même la pire ! Elle n'avait
             pas eu de chance que ça tombe sur celle-là mais, bon, il faudrait faire avec ! Si seulement Kevin

             Leroy pouvait être absent ! Il était capable de tout et lui en faisait voir des vertes et des pas mûres
             depuis le début de l'année.

                            Question timing, tout allait bien, elle avait de l'avance. L'ascenseur n'était pas en panne et
             elle sortit de son immeuble l'air guilleret. Il pleuviotait toujours, les trottoirs luisaient, et elle se

             dirigea d'un pas vif vers sa voiture garée quelques mètres plus loin. « Oh, non ! s'écria-t-elle. C'est

             pas possible ! Un pneu crevé ! » Elle s'approcha : pas de doute ! Qui avait bien pu ? Car c'était
             forcément un acte malveillant. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux et une vague de

             découragement la submergea. Que faire ?... « Allons voir Mr Gomez » se dit-elle. Mr Gomez était

             le concierge  de l'immeuble. Elle lui expliqua le problème, insistant sur l'importance de l'inspection
             qui allait avoir lieu à 10 heures. « Ah, mais ma p'tite dame, je ne peux pas quitter la loge ! Et en

             plus, il pleut ! Bon, écoutez, ajouta-t-il, la voyant prête à fondre en larmes, je sais que Mr Duval
             part tous les matins à 8 heures précises. Il sera là dans cinq minutes. Il pourra peut-être faire

             quelque chose pour vous ? »
                                  Cinq minutes plus tard, un monsieur d'une trentaine d'années sortit de l'ascenseur,

             tenant une mallette à la main. « Ah! Mr Duval, la p'tite dame-là a un problème ! » Et il expliqua.

             Mr Duval paraissait assez ennuyé de ce contretemps et répondit : «  Ecoutez, ça tombe mal, j'ai une
             réunion très importante à la mairie à 10 heures et.... » « Et moi, une inspection très importante à 10

             heures aussi ! »  osa-t-elle répliquer, poussée par l'urgence de la situation. Elle devait avoir
             vraiment l'air pitoyable car Mr Duval la regarda et lui proposa :

                            «- Bon, je ne peux pas changer votre pneu mais je peux vous emmener si votre
             établissement n'est pas trop loin.

                              - Non, non, c'est le collège Jules Ferry en centre-ville, à deux pas de la mairie.

                              - Bon, ça va aller. Allez, venez ! »
             Et elle emboîta le pas à Mr Duval qui marchait à grands pas et lui ouvrit la portière de sa BMW. Il

             démarra rapidement, sans prêter attention à ses remerciements réitérés. « Pourvu qu'il n'y ait pas de

                                                             2
   303   304   305   306   307   308   309   310   311   312   313