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C’était bien sa veine ! Elle se protégea sous un arbre et appela un taxi. En l’attendant, un
homme, abrité d’un parapluie, rigolait en la voyant. La veille, elle n’avait eu ni le temps
d’écouter la radio, ni de regarder la télévision pour connaître la météo. Le taxi arriva à cet
instant, elle lança un dernier regard froid au piéton et monta dans la voiture en indiquant
l’adresse au chauffeur. Sitôt sa ceinture bouclée, elle ne perdit pas de temps à observer les
rues de la ville qui défilaient. Elle connaissait par cœur le trajet entre chez elle et son bureau.
Elle attrapa son téléphone dans son sac et composa le numéro du garage.
« Vous ne pouvez pas faire attention ? ».
Se frayer un chemin à travers une foule de gens pressés est une véritable épreuve. Les pieds
saucissonnés dans une paire de Louboutin, acheté deux jours auparavant, elle mobilisa toute
son énergie pour atteindre les fichues portes de son entreprise. Son patron l’a prévenu : elle ne
doit plus arrivée en retard.
Règle d’or : ne jamais emprunter les rues pavées qui sont aussi glissantes que des peaux de
banane – s’écrouler de tout son long est aussi douloureux qu’humiliant –. Conclusion : éviter
les rues noires de monde sous peine de voir son chronomètre prendre plusieurs heures. Et le
plus important : faire abstraction des boulangeries. S’il y a bien un truc qu’elle avait appris,
c’est de ne jamais, absolument jamais s’arrêter devant une vitrine remplie de montagnes de
viennoiseries. On finit toujours par y entrer, s’enfourner trois ou quatre pâtisseries qui nous
fait de l’œil et arriver au travail encore plus à la bourre qu’on ne l’est déjà.
Mais elle n’avait pas le choix. Son estomac risquait de chanter la Marseillaise durant la
réunion.
Une autre qualité qu’elle ne soupçonnait pas : elle était capable de manger et courir en
même temps. Enfin, des miettes au coin des lèvres, elle passa les fichues portes de son
entreprise.
Résultat des courses : une tenue qui n’est plus qu’un amas hideux de tissu trempé et boueux
et une coiffure qui n’est autre qu’une explosion capillaire.
Elle remit tout çà en ordre et alla s’asseoir à son bureau. Elle déplia son ordinateur portable.
L’écran scintilla, les ventilateurs se mirent à tourner et le disque dur donna ses ordres. Quand
le système d’exploitation fit retentir l’air de bienvenue, elle découvrit le message suivant :
« Mes amis, encore trente minutes de maintenance et le travail est à vous ! »
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