Page 25 - 54_Xavier_Le_Polozec
P. 25

puis, entre nous, on s’est obstinément contraint à effectuer des analyses qui nous coûtent

              inutilement » et lui revint finalement les propos d’un collègue : « Ecoute bien mes conseils,
              Romain, profite des dîners, fais-toi chouchouter et attends qu’on te remplace ». Il avait

              longuement préparé le dossier avec son prédécesseur qui l’avait informé qu’il y avait deux
              catalogues pour s’approvisionner en crocus Sativus et safran. L’un mondial comportant

              plusieurs milliers de variétés et celui de Térébenthine, constitué d’une seule variété. « Les

              volumes de production ne sont bien sûr pas comparables, mais le crocus Sativus bigouden est à
              mon avis de loin le meilleur au monde » avait précisé son prédécesseur. « Nous avons créé, par

              croisement et autres manipulations génétiques, de nouvelles espèces à partir de nos bulbes
              primordiaux, pour tenter d’égaler la variété bigoudène mais aucune ne s’en approchait

              vraiment » lui avait dit, le responsable du département recherche de La Société des Hautes

              Instances Terrestres.

              L’inspecteur Romain Marcello n’était cependant pas d’un caractère à ne rien tenter Il allait

              prendre son temps pour élaborer une stratégie sur plusieurs années. Une longue et méthodique
                                                                                                   6
              observation lui permettrait à coup sûr de trouver une faille. Ces « indiges », ces « exos »
              n’allaient pas lui résister, pensait-il alors que la voiture passait un dos d’âne, puis un rond-point

              où elle dut laisser le passage, puis une suite de trois chicanes où elle n’était pas prioritaire, et
              enfin un stop. Le message est clair, se dit l’inspecteur, on ne vous facilite pas la tâche pour

              entrer à Leskon et on vous aide à en repartir le plus rapidement possible.

              La voiture passa devant le restaurant « Chez Marissé » et non loin de là, se connecta sur une

              borne de recharge située en bord de plage face à l’anse de Leskon. L’infatigable assistant
              fournit tous les détails sur le fonctionnement de l’écosystème du lieu, lui expliqua ce qu’était

              un ster, lui présenta le musée Foujita, et ajouta que le musée André Dauchez était la maison

              visible au bout de l’anse et la plus avancée sur la mer. La vue était magnifique. L’assistant
              précisa que le meilleur safran du monde était produit à quelques mètres. Agacé, l’inspecteur

              Romain Marcello le força au silence en coupant l’alimentation de la voiture.

              Il se présenta à Térébenthine qui l’accueillit chaleureusement dans la magnifique salle du

              restaurant. Les baies vitrées offraient un spectacle éblouissant sur le ster et l’anse de Leskon.
              La plage renvoyait la lumière du soleil, justifiant en une éclatante vérité son nom : « les Sables

              Blancs ». Au milieu de l’anse se trouvait un groupe important de rochers jamais immergé et




              6  Mots à la mode utilisés, de manière méprisante, par les ParisPoliens pour parler de ceux qui vivent hors de
              ParisPole. Contraction des mots désuets « indigènes » et « exotiques »


                                                                                                     4 / 10
   20   21   22   23   24   25   26   27   28   29   30