Page 145 - affiche-plume-2020.indd
P. 145

soit embarqué. C’était possible ou bien était-elle en train de perdre les pédales, tout ce surmenage

            ces derniers temps peut-être ? Et puis comme elle vivait seule, elle aimait se raconter des histoires à
            voix haute, elle avait une imagination débordante mais là c’était un peu gros. C’était la première

            fois qu’elle commençait à douter de ses facultés mentales ! Elle frappa et entra comme d’habitude
            au 5 ème  étage gauche. « Son » malade reprenait peu à peu du poil de la bête. C’était tant mieux pour

            lui et aussi pour elle : elle n’aurait bientôt plus à revenir en ce maudit lieu qui la rendait si mal à
            l’aise. Elle aurait quand même bien voulu avoir une explication, elle qui était plutôt cartésienne. A

            qui en parler ? Sa meilleure amie toujours blagueuse lui aurait rétorqué quelque chose comme :


            _ « Tu t’es mise à boire, c’est du joli avec ton métier en plus ! Attention tu files un mauvais coton
            ou bien :


            « La peur de rester seule toute ta vie te fait inventer l’existence de maris bizarres et la fatigue aidant,

            tu mêles un peu réalité et fiction.  Allez ! Viens je te fais un café. »


               Même elle, la prendrait pour une dingue. Elle décida de prendre un peu de repos dès qu’elle eut
            terminé les soins avec son patient du 5 ème  pour essayer d’oublier cette histoire. Mais dans la rue,

            dans les magasins, elle croyait toujours reconnaître cet homme.


            Partout où elle allait, elle le voyait. Une fois, elle courut pour aborder le passant qu’elle était sûre
            d’avoir reconnu car elle avait décidé de lui parler une bonne fois pour comprendre enfin. Mais

            l’homme surpris qu’on l’accoste ainsi sursauta et elle s’aperçut que ce n’était pas lui. Sa voix un
            peu haut perchée finit de la convaincre de sa bévue. Il fallait oublier pour ne pas devenir folle.

            Facile à dire ! Elle allait plutôt reprendre le travail. Au moins avec ses patients elle n’avait pas le

            temps de penser et le soir,  harassée, elle s’endormait presque malgré elle. La nuit n’était pas
            toujours apaisante mais au moins, en se réveillant le matin,  elle n’avait pas le temps de s’occuper

            d’elle et de ses problèmes et le travail la plongeait vite dans la réalité.


                Un jour le petit monsieur du 5 ème  étage eut à nouveau besoin d’elle : mauvaise chute, jambe
            cassée, nécessité de lui faire une série de piqûres. Elle avait presque oublié sa mésaventure. Il fallait

            retourner là-bas : ça lui faisait penser à la maison hantée de son enfance où les jeunes de son âge
            allaient se faire peur les soirs d’hiver quand il faisait nuit tôt ! Non ! Finie cette période, il fallait

            maintenant affronter le monde des adultes. L’étage hanté ? Tu parles ! Avenue du Manoir (hanté

            bien sûr), elle se gara et se dirigea vers le numéro 32. Y avait-il un nouvel occupant au 4 ème
            étage porte gauche ? Dommage qu’il n’y ait pas d’ascenseur, elle ne l’aurait jamais su, elle serait

            allée directement au 5 ème . Elle grimpa très vite les quatre étages, la porte gauche était close, un petit
            écriteau y était accroché avec ces mots :


                                                                                                            4
   140   141   142   143   144   145   146   147   148   149   150