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vous dans les prochains jours, j’ai un vrai problème sur les bras, mais je vous retarde.
                      Filez vite, Thérèse vous attend !

               Légèrement décontenancée, Laurence acquiesça d’un sourire et tourna les talons vers la sortie.
               De quoi voulait-il lui parler ?  Etait-ce en rapport avec son métier d’infirmière ?  Etait-il

               malade ? Pourquoi avait-il parlé du Proche-Orient ? Il l’avait quasiment mise à la porte, la

               poussant gentiment vers la sortie  et l’empêchant de formuler la moindre question.  Un peu
               cavalier tout de même, ce Thomas Le Grand.

               Au 5 ème   étage,  Thérèse l’attendait,  le  visage crispé par la douleur, un  pauvre sourire  aux
               lèvres. La coupe au carré de cheveux gris dessinait un cadre parfait pour l’ovale de son visage

               expressif.  Après l’avoir saluée,  Laurence prépara la seringue  sans plus attendre.  Aucune
               parole  n’était nécessaire en pareil cas. Seul comptait le  soulagement  à venir.  Elle resta

               quelques minutes pour vérifier les effets du calmant sur sa patiente qui avait fermé les yeux.

               C’était incroyable d’imaginer que cette femme  d’une  petite cinquantaine  d’années,  si
               diminuée par la maladie,  ait pu un  jour  être grand reporter et faire  autant de photos

               marquantes sur le conflit en Syrie. Plusieurs d’entre elles avaient fait la Une du Jordan Times

               entre 2012 et 2016. Thérèse et son jeune frère Thomas avaient vécu une grande partie de leur
               vie à Damas.  Elle  s’était passionnée pour la photo tandis que son frère avait opté pour

               l’archéologie. Des années heureuses,  semblait-il, jusqu’aux évènements de 2011. Dans son
               bureau, des photos d’enfants prises dans le camp de réfugiés syriens de Zaatari, au nord de la

               Jordanie,  rappelaient  la  précarité d’une population  obligée  de s’exiler pour échapper aux
               bombardements de l’aviation syrienne.

               Le visage rasséréné, Thérèse ouvrit les  yeux et remercia  Laurence  d’un  long regard

               reconnaissant. Elle était sa dernière patiente de la matinée, aussi prit-elle le temps de s’asseoir
               un moment. Le frère et la sœur étaient proches, c’était évident d’après ce que l’un disait de

               l’autre. Thérèse était-elle au courant des problèmes de son frère ? On pouvait supposer que
               oui. Elle lui raconta donc sa visite inopinée à l’étage en-dessous et les propos sibyllins de

               Thomas.
                   -  En fait, je n’ai pas vu Thomas depuis qu’il a fait cette mauvaise chute de moto, il y a

                      trois semaines.  Une jambe dans le  plâtre et tout s’arrête. Pour quelqu’un qui a la

                      bougeotte comme lui, c’est une catastrophe, et, avec cet ascenseur en panne, monter
                      un étage avec deux béquilles est impensable, évidemment. Moi-même je ne suis pas

                      très vaillante non plus. Je sais seulement qu’il a appris il y a deux semaines le décès de

                      Charles Fouchet, un des spécialistes de Petra avec lequel il travaille depuis plusieurs
                      années. Fouchet a accumulé des documents sur le Qasr al Bint. C’est un temple situé à



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