Page 118 - affiche-plume-2020.indd
P. 118

N° 50                               CODE JORDAN

               Elle avait eu maintes fois l’occasion d’être appelée pour des soins urgents au 32, avenue du

               manoir,  5 ème   étage, porte gauche. Mais ce matin-là, fatiguée par une nuit d’insomnie, elle
               s’arrêta au 4 ème  étage et frappa porte gauche. A peine s’était-elle aperçue de son erreur qu’une

               voix résonna dans la pièce du fond : « Enfin ! Je vous attendais. »
               Ainsi, elle allait devoir affronter le locataire du 4 ème  qui ne manquait jamais de lui tenir la

               jambe lorsqu’elle le croisait parfois dans l’escalier,  en allant faire les soins de  Thérèse Le
               Grand, sa patiente du 5 ème   étage.  Ils étaient frère et sœur et habitaient  l’un au-dessus de

               l’autre. Laurence savait, par Thérèse, qu’il était archéologue et que ses recherches l’amenaient

               à partir en mission de fouilles assez fréquemment. Elle n’en savait guère plus. La plupart du
               temps, elle ne restait que quelques minutes à son chevet. Elle était atteinte d’une sclérose en

               plaques difficilement soignable. Et puis, elle avait de nombreux patients et le temps manquait
               pour bavarder  avec chacun. Avec un soupir d’agacement,  elle ouvrit la porte et inspecta

               l’entrée de l’appartement plongé dans la pénombre. Se fiant à la disposition des lieux qu’elle

               supposait identiques à ceux de l’appartement du dessus, elle se dirigea vers la pièce du fond,
               résolue à ne pas se laisser retarder, mais intriguée par le fait qu’il semblait l’attendre. Mais

               non, voyons, se dit-elle- réfléchis ! il attend forcément quelqu’un d’autre. Son arrivée allait
               donc le surprendre.

                   -  Bonjour ! Excusez-moi M. Le Grand, c’est moi, Laurence. Je me suis trompée

                      d’étage ! dit-elle en pénétrant dans la grande pièce encombrée.
               Assis à son bureau, dos à la fenêtre, il l’accueillit avec un franc sourire teinté de malice.

                   -  Mademoiselle Fournier ! ça alors ! quelle surprise ! entrez donc ! je ne vous attendais
                      pas, mais je suis ravi de vous voir. L’ascenseur est toujours en panne, je parie. Mais

                      vous tombez à pic en fait. Vous alliez voir ma sœur.  C’est ça, n’est-ce pas ?
                   -  Oui, exactement. Je suis vraiment désolée. Je vous laisse.

               Il se leva avec difficulté, s’appuyant fermement  sur les accoudoirs de son fauteuil, tout en

               attrapant les béquilles placées de chaque côté.
                   -  Mais non, pas du tout. Figurez-vous que j’attends un courrier très important depuis

                      plusieurs jours et,  lorsque vous avez frappé,  j’ai  tout de suite  pensé  que c’était le
                      coursier. Ma sœur vous apprécie beaucoup, vous savez, dit-il en se dirigeant vers elle,

                      à petits coups de béquilles. Vous êtes déjà allée au Proche-Orient, n’est- ce pas ? Elle

                      me l’a dit. Il faut que nous parlions tous les deux, il est possible que j’aie besoin de




               1
   113   114   115   116   117   118   119   120   121   122   123