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-  Vous vous appelez Jeanne et…

            -  Vous vous trompez, je ne m’appelle pas Jeanne.


            -  Vous vous appelez Jeanne Duvail et vous êtres née le 30 mai 1924 jour de la Sainte

               Jeanne. Votre prénom ? Est-ce par défaut d’imagination, ou faute d’y avoir pensé, ou
               au contraire, ou en raison d’une admiration particulière de vos parents à celle qui

               bouta les Anglais hors de France ? Je leur fais crédit de cette seconde version.


               Vous vivrez l’essentiel de votre jeunesse dans la maison familiale square de la
               Quintinie. Maison de caractère sans être une villa de luxe.


               Votre père tient un commerce de lingerie fine à l’angle de la rue de Vaugirard et de la
               rue Pasteur. La grande guerre est déjà loin et les affaires ont bien repris. D’ailleurs, il

               est permis de douter que ce type de commerce ait été un jour ou l’autre victime d’une

               crise quelconque. Votre mère veille à votre bien-être par l’entregent d’une
               domestique bretonne aux ordres. Donc tout va bien dans la famille Duvail.


               Votre parcours scolaire depuis l’école primaire de la de la rue d’Alleray jusqu’à votre
               entrée au lycée Buffon en 1935 est en tous points positif. Vous excellez en histoire et

               en allemand curieusement enseigné dans cet établissement. Les deux allaient-ils de
               pair dans vos centres d’intérêt ?


            -  Ma vie privée m’appartient et je n’ai pas à vous répondre sur des sujets qui

               n’intéressent personne.

            -  Votre vie privée vous appartient jusqu’au jour où elle vient percuter celles des autres

               jusqu’à les anéantir.

            -  Que voulez-vous dire ?


            -  Vous souvenez-vous de Guillaume  ce camarade de classe avec qui vous vous

               disputiez les premières places et que vous avez mis en difficulté à propos de
               quelques brioches volées.


            -  Je ne vois pas de qui ni de quoi vous parlez.

            -  J’espère que vos pertes de mémoires n’affectent pas les traitements que vous

               prodiguez à vos malades au point de confondre Marie-Jeanne avec Jeanne-Marie ou
               Gabrielle-Marie avec Marie-Gabrielle. Vous risqueriez de les mener de vie à trépas

               et, comble, de perdre votre gagne-pain.

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