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La voix lui faisait face. Mes yeux s’accommodèrent progressivement à la pénombre,

               la pièce captant le peu de clarté qu’on lui autorisait par deux fenêtres aux persiennes
               fermées aux trois quart et bloquées par une espagnolette.


               C’est ainsi que je distinguai la source de la voix. Quelqu’un était assis sur une chaise
               ou dans un fauteuil et m’observait probablement sans que je puisse saisir son

               regard. Néanmoins au son de la voix je décidai qu’il s’agissait d’un homme. Je repris

               quelque assurance.

            -  Qui êtes-vous ? Pourquoi m’attendez-vous ? Est-ce que nous nous connaissons ?


            -  Doucement, doucement. Trop de questions à la fois. Si vous le voulez bien et même
               si vous ne le voulez pas, je vais reprendre les choses dans l’ordre. Je vous attendais

               depuis longtemps, excessivement longtemps. Je sais qui vous êtes, peut-être mieux
               que vous vous connaissez. Il me tardait de vous rappeler qui êtes-vous.


            -  Ceci est absurde Monsieur Je n’ai pas de temps à perdre avec vos probables

               élucubrations. J’ai des personnes à soigner et ceci ne peut attendre.

            -  Je l’entends bien. La mort peut attendre. Toutefois elle nous surprend fatalement en

               dépit des soins organisés, administrés pour espérer caresser l’éternité. Asseyez-
               vous dans le fauteuil, là sur votre droite.


            -  Mais…


            -  Il n’y a pas de mais. Vous ne pouvez échapper à votre destin. A partir du moment où
               vous avez franchi la porte de cet appartement je vous demande toute l’attention que

               vous portez habituellement à vos malades. En m’écoutant je vous invite à
               entreprendre une thérapie qui me fera plus de bien que tous les médicaments du

               monde.

               Pourrai-je échapper à ce ton autoritaire, à cette voix rauque, râpeuse comme si les

               flammes de l’enfer en avaient léché les cordes vocales se dit-elle en cherchant un

               motif pour échapper à cet inconnu au mental probablement perturbé.

            -  Je lis dans votre regard « Cet individu a perdu la raison ». Avant de me faire interner,

               il vous faudra toutefois m’entendre. Asseyez-vous dans ce fauteuil.


               Elle s’installa dans le fauteuil et jeta un rapide regard circulaire sur la pièce où elle
               remarqua la présence d’un lit et d’une bibliothèque.


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