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Arrivé au camp de concentration, je fus affecté au block 46 de sinistre mémoire.
D’homme vous y étiez transformé en cobaye avec la certitude que la mort était au
bout du scalpel ou de la seringue.
Médication des brûlures au phosphore, expériences sur le typhus exanthématique
pour la fabrication des vaccins, expériences sur les prothèses articulaires,
interventions chirurgicales d’ordre médico-légal et d’autres réjouissances.
Aujourd’hui je suis un accident de la vie ou plutôt de la mort. J’aurais dû recevoir la
piqûre létale à la fin de mon protocole d’expériences. Mais lors de l’évacuation
précipitée du camp par les SS en avril 1945, j’ai été oublié dans une salle du block
46. Ils m’ont laissé aux portes de l’enfer.
C’est grâce à vous Jeanne que j’ai servi de jouet macabre à une horde d’assassins
dont la perversité et la cruauté sont le propre du genre humain. Les animaux en sont
incapables.
Jeanne semblait en proie à une crise de tétanie. Tout son corps était pris de
tremblements. Les larmes inondaient ses yeux tandis qu’elle perdait conscience de
son environnement. Elle avait le sentiment confus que sa vie basculait dans un néant
insondable. Elle cherchait la porte de sortie. Soudain elle se reprit.
- Qu’est-ce qui vous permet de dire que je suis à l’origine de votre malheur ? En avez-
vous la moindre preuve ?
- Pour une fois vous avez joué de malchance. Alors que l’essentiel des archives de la
SS et de la Gestapo a été détruit avant la libération de Paris, certains dossiers ont
été retrouvés et notamment ceux concernant les réseaux de résistance du 14è et du
15è. Le standartenführer Horstmann était un officier méticuleux au point d’avoir
mentionné votre nom dans un rapport dont j’ai eu connaissance par une source que
j’éviterai de nommer. J’ai été étonné que vous n’ayez pas été « inquiétée » à la
libération. Plus tard, j’ai compris que vous aviez de la « ressource ».
- Vous avez donc patiemment attendu que le destin me conduise à vous pour que
vous m’exposiez les attendus de votre vengeance.
- Loin de moi tout esprit de vengeance. Cela me rendrait-il mes jambes désarticulées,
mon bras torturé, les lèvres brûlées et mon oeil manquant ? Je ne dénoncerai pas
une personne dont la mission est de maintenir les gens en vie.
- Que voulez-vous que je fasse ?
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