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               « Ah vous êtes là c’est bien, vous avez fait vite. On peut commencer. » C’était la femme du

               5 ème , son petit mari sur les talons. Dans la pénombre elle distinguait un drôle de sourire sur
               leurs faces pâles.

               « J’aurais dû m’en douter, ces deux-là, avec leurs airs par en-dessous et leur bigoterie, c’est

               eux qui m’ont entrainée là-dedans… un peu de chair fraîche pour se régénérer, c’est ça qu’ils
               veulent. C’est des vampires… au secours…  fuir, fuir, et vite. »  Bérénice cherchait de tous

               côtés une issue, une fenêtre, une trappe, un vasistas, n’importe quoi, pour se tirer de  cet
               endroit maudit.

               Il y avait bien la grande verrière qui donnait sur la rue, mais le fantôme-spectre-vampire était
               campé juste devant. Elle paniquait.

               Et puis respira un bon coup et se calma. Je ne crois ni aux vampires, ni aux fantômes, ni aux

               cérémonies  occultes.  Il  y  a sûrement une explication. Elle expira longuement. Une buée
               glacée s’échappa de sa bouche. Elle frissonna. L’ambiance n’était pas des plus chaleureuses,

               il fallait bien le reconnaître. Bérénice se cherchait des excuses pour justifier sa peur, mais elle

               cherchait surtout une explication à tout ça. La dame du 5 ème  avait parlé de cet ancien manoir,
               où elle avait vécu enfant, et qui avait été vendu à un promoteur par sa mère, faute de moyens

               pour l’entretenir. En échange ils avaient obtenu deux appartements, un pour eux et un pour
               sa… mère. Sa mère bien sûr. Qui aurait décoré son appartement dans le style de l’ancien

               manoir. Enfin, poussée la déco quand même. Je veux bien qu’on soit conservateur, mais de là
               à s’éclairer à la bougie et à faire l’impasse sur les radiateurs... Et puis elle avait quand même

               une drôle de tête la mère. Non, pas drôle. Une tête à faire peur oui. Un peu la tête de la mère

               d’Anthony Perkins dans Psychose… Ah ça  y  est, c’est ça. Une psychopathe. Non, deux
               psychopathes. Je suis tombée chez des psychopathes. Ils ont trucidé leur mère, et fait croire

               qu’elle était vivante en enregistrant sur un magnétophone cette voix effrayante, et maintenant
               ils vont me trucider à mon tour. Mais pourquoi ? Pourquoi ? Je vais disparaître, personne ne

               sait que je suis là, c’est affreux… Mon chat, mon cher Lucifer je ne le verrai plus, que va t’il
               devenir ? (oui, elle se dit que ce nom était juste impossible, et que dorénavant, si elle en

               réchappait, elle ne l’appellerait plus que Lulu). Grosse grosse panique. Elle était à deux doigts

               de s’évanouir.
               La femme du 5  ème  s’avança vers Bérénice, lui prit son sac et lui enleva son manteau.

               « Détendez-vous, mettez-vous à l’aise ».

               C’était là. C’était maintenant. Sa vie se jouait  maintenant. L’affronter, se dit Bérénice,  ou
               mourir sous ses coups. Elle fit volte-face et planta ses yeux sévères dans ceux de la femme.
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