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Désolée, elle téléphonera un peu plus tard à Jeanne pour lui donner ce peu
d'informations. Pour l'heure, elle souhaite rentrer chez elle au plus vite, elle ne rêve que
d'une bonne douche et d'un petit repas réconfortant. Mais quand rien ne va rien ne va,
une voiture de police bloque l'accès à sa rue : une alerte pour une fuite de gaz justifie ce
branle-bas. Attendre dans sa voiture n'est pas une option, elle préfère se rendre au cabinet
infirmier en attendant que les lieux soient dégagés. Il y a toujours à faire, elle va préparer
sa mallette pour demain. À peine est-elle stationnée qu'une obscurité brutale s'abat sur la
ville...
Tout à coup, Marie entend une joyeuse musique, c'est l'alarme de son téléphone
portable, programmée à 6H45mn. Elle se réveille tout à fait et réalise qu'elle vient de
faire un drôle de rêve... Un rêve qui a commencé par une erreur de sa part ! Elle revoit
nettement la maisonnette, l'accueil froid à l'hôpital, le burger, le petit garçon... Tout ! Elle
comprend pourquoi tout s'est accéléré, la laissant tomber de Charybde en Scylla... Ce
n'était qu'un cauchemar !!! Elle se dirige vers la salle de bain, un sourire illumine son
visage. Distraitement elle branche la cafetière, elle ne peut se défaire de ce rêve si
étrange. Marie sirote son café, aujourd'hui elle n'écoute pas la radio, elle se raconte une
fois encore les événements qui ont tourmenté sa nuit...
Légère, elle se rend au cabinet infirmier, elle n'est pas en avance, ses collègues sont
déjà en route. Vite, elle consulte la liste de ses interventions et se rend au 32 avenue du
manoir. Au 5éme étage porte gauche elle frappe et rentre. Madame Yvonne termine son
petit-déjeuner : « Bonjour Marie ! Je sens que tu m'apportes encore toute ta bonne
humeur ce matin ! ». La vieille dame apprécie son infirmière et l'accueille toujours
chaleureusement.
Marie raconte alors son rêve tout en soignant sa patiente, elle n’omet aucun détail. Ce
n'est pas habituel mais aujourd'hui elle accepte la tasse de café de Madame Yvonne. Elles
prennent le temps de parler. L'infirmière apprend, et n'en revient pas, que dans
l'appartement du 4ème étage, juste en-dessous, vit une dame d'origine slave, oui, russe
probablement. Une étrangère un peu originale toujours coiffée d'un turban. Elle donne
des leçons de piano à un petit garçon, son petit-fils sans doute. Madame Yvonne évoque
les échanges plein de courtoisie qu'elle a eu avec cette voisine qui l'invitait parfois pour
boire un thé, à l'époque où elle pouvait encore se déplacer facilement. Elle décrit à Marie
un appartement soigné rempli d'objets plus étonnants que précieux. « On dirait presqu'un
musée ! » déclare-t-telle pensive. Marie lui suggère d'entretenir un lien avec cette
personne qui doit se sentir seule elle aussi... Elle pourrait l'inviter pour un café, en
profiterait pour échanger des recettes de gourmandises... Madame Yvonne l’interrompt
pour réfléchir à voix haute « mais... ça fait quelques jours que je n'ai pas entendu le
piano ! Serait-elle absente ? »
L'infirmière, après avoir pris congé, emprunte l'escalier pour descendre au 4ème étage.
Curieuse, troublée, incapable de résister, elle frappe, porte gauche. Elle entend un petit
bruit et une femme en turban de satin ouvre la porte. Elle soutient son poignet bandé
dans une écharpe et l'accueille : « Enfin! Je vous attendais ».