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- Elle est sortie faire des courses, répliqua-t-il. Ce week-end, elle n’est pas partie voir les
enfants. Tiens, les nausées me reviennent. Je vais me reprendre un petit calva aux myrtilles.
- Vous en avez déjà bu un ! N’abusez pas de l’alcool. Ce n’est pas bon pour la santé. Ne
mangez que ce qui est préparé de vos propres mains, ou en tout cas sous vos yeux. Si vous
avez un malaise, appelez les urgences.
Albert, tout en se tenant le ventre, reconduisit Élodie jusqu’à la porte et la remercia de
l’avoir écouté.
Une fois sur le palier, elle se demanda pourquoi Albert était venu à elle ? Voulait-il que
ses soupçons soient démentis ou désirait-il qu’ils soit vérifiés ? C’est en tentant de répondre à
ces questions qu’elle parvint au 5ème étage. Elle fit attention cette fois de ne pas se tromper.
Elle toqua. Elle entendit un martèlement de pieds. La porte s’ouvrit.
- Bonjour madame Prieur, mon mari vous attend pour sa piqûre.
À l’intérieur, les fenêtres étaient grandes ouvertes, mais comme il n’était pas possible de
faire des courants d’air, les odeurs de ciment persistaient. L’appartement lui-même, chose
étonnante, n’était pas le chantier auquel s’attendait Élodie. Il y avait un dépôt blanc sur
chaque objet : c’était de la poussière de plâtre. Son patient, maçon de métier, était en pleine
restauration du plafond lorsqu’elle avait frappé à la porte.
Elle s’excusa pour son retard, expliqua que son fils, pris de toux et de difficultés
respiratoires, avait dû être hospitalisé vers vingt-trois heures. Elle avait passé une nuit
blanche. Suite à cette insomnie, elle s’était trompée d’étage. Par erreur, elle s’était retrouvée
chez M. Joli. Le maçon s’exclama : « Sacré Albert ! ». Il confia malicieusement que son
voisin « avait la descente facile ». Il raconta avec délice comment il s’y prenait pour boire,
lorsque sa femme cachait les bouteilles d’alcool quand elle s’absentait.
- Il monte me voir sous divers prétextes et se fait offrir un pastis. Quand cela ne suffit
pas, il se rend au bistrot qui se trouve au 36 de l’avenue du manoir.
L’infirmière laissa parler son patient. Une fois le soin terminé, elle rangea la seringue,
ramassa les cotons, ferma sa mallette puis salua ses hôtes.
Elle se dirigea vers l’escalier. Arrivée au rez-de-chaussée, elle croisa la concierge qui
finissait de balayer le hall d’entrée.
- M. Joli, lui dit-elle, vient d’être transporté en urgence à l’hôpital. Ce matin, il voulait
vous voir. C’est sa femme qui l’a trouvé inanimé en rentrant du marché. Elle a aussitôt appelé
une ambulance. Elle est partie avec lui. Je n’en sais pas davantage.
Elodie Prieur remercia la gardienne. Elle cacha son embarras et poursuivit sa tournée.

En sortant du 32, elle se rendit au 36 où elle avait encore un patient à consulter, le
dernier de la matinée. C’était un barman qui s’était brûlé la main avec l’eau chaude de sa
machine à café en servant un client. Elle devait lui refaire quotidiennement son pansement.
Elle descendit l’avenue du manoir. Pour la première fois, elle remarquait que face au 32, se
trouvaient, côté impair, le 31 et le 33. Elle nota qu’au 31, c’était une boutique de vêtements, et
qu’au 33, il y avait un pôle de santé. Surprenante adéquation entre le chiffre et l’enseigne ! Il
lui revint en mémoire l’expression « se mettre sur son 31 » et la formule médicale : « Dites
33 ! » Elle se dit que le hasard ne manquait pas d’humour dans ce quartier.
Passant devant la vitrine du magasin de sport, elle jeta un coup d’œil sur une paire de
basket que lui réclamait son petit depuis quelque temps. Elles étaient superbes mais hors de

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