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               Comme quoi ça sert de savoir faire dresser les verges ministérielles. Ils pensaient peut-être me
               transformer en putes africaines ces salopards de moscovites ? Est-ce qu’on apprivoise le vent

               d’autan, surtout quand il est breton ?
               J’ai tout connu Jacqueline; les rêves de gloire et les illusions perdues dans la brume des nuits

               fauves, la vie de palaces, les nuits de débauches salaces, au bord du précipice, au bord du

               paradis, les « allées et venues » de plus en plus mal tarifées, les vieilles et nobles quenelles,
               qui ont trop longtemps souillé pour quelques billets, mon matelas de la rue de Grenelle. Mais

               j’ai fini par fabriquer le mien. Au point d’en faire presque un secret de polichinelle. Des
               vautours, gigolos, politiciens et autres banquiers, l’ont aussi courtisé sans succès, le temps

               d’une ritournelle. Et maintenant, dans les rues familières du Finistère, je me pensais à l’abri

               des prédateurs, et je n’avais plus peur d’être reconnue.

               Mais je dois bien  vous l’avouer Jacqueline, j’ai quelquefois éprouvé du plaisir.


               Je me souviens d’une merveilleuse rencontre. J’avais tout juste trente et un ans. Il s’appelait

               Charles-Henri, banquier et fils de banquier. Dynastie estampillée Rue de Châteaudun. Mais il
               était différent des autres. Je l’ai rencontré à l’occasion d’une exposition Chagall, au Grand

               Palais. Une soirée haute en couleur, du début jusqu’à la fin. Devant le tableau « Les amants
               bleus » j’ai planté mes yeux. Il a suffi d’un regard pour qu’il tombe dans mes bras. Il ne m’a

               presque pas parlé, mais il m’a respectée et moi aussi… Il n’était pas marié. Nous sommes

               allés finir la soirée dans mon appartement. Il avait la timidité d’un puceau de province. Je me
               suis dévêtue. Entièrement, pour lui permettre d’admirer mon corps. Il était fasciné par la

               beauté de mes trente ans. Lorsque j’ai commencé à le déshabiller, il s’est mis à sangloter, et

               ça m’a touchée. C’est tellement beau de voir un homme pleurer devant le corps nu et offert
               d’une femme.  Charles-Henri avait le visage virginal de ces poupées que l’on ose toucher dans

               les boutiques de luxe. Mes gestes furent à l’image de son sourire, légers et gracieux comme le
               vol d’un papillon un soir de pleine lune. Je lui ai souri, comme pour le rassurer. Je lui ai pris

               la main pour le guider et l’aider à enjamber la petite baignoire sabot.


               L’eau chaude s'est mise à couler sur son corps, et j’ai entrepris de le laver comme on le ferait
               avec un nouveau-né, et comme vous devez le faire souvent aussi avec les personnes âgées.

               Mes mains s’immisçaient dans tous les recoins de son corps. Il fermait les yeux. Puis je lui ai
               demandé de se rincer et de se sécher pendant que je m’assaillais sur le lit de la chambre.

               Encore timide, il est venu s’allonger sur le ventre, j’ai vu  ses yeux se refermer de plaisir et

               d’abandon.
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