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               Je suis certaine que vous voyez le tableau, une poignée de « chamalos » aussi flasques que des
               méduses sur un bord de plage, pendante et se balançant de façon disgracieuse à chaque pas.

               Dieu me préserve des mouflets et de leur instinct naturel de vampire.


               - Voyez-vous madame, au fait comment vous appelez-vous ?


               - Je m’appelle Jacqueline, Jacqueline Le-Bourgeon, mais ici tout le monde « Madame vroum-
               vroum ».


               - Alors Jacqueline, je peux vous appeler Jacqueline ? Sachez que j’ai toujours choisi la liberté.
               Liberté de penser et liberté du corps. Mon corps et tout ce qui va avec, je l’ai trimbalé à Paris

               depuis plus de quarante ans. J’ai quitté le Finistère pour l'Oise. Je voulais y suivre des études

               de secrétariat. Figurez-vous que j’ai trouvé, presque immédiatement, un poste de secrétaire au
               ministère de la Justice. C’est vrai qu’accepter de coucher dès le premier soir avec un attaché

               parlementaire, à l’occasion d’une soirée de baisemain, ça facilite pas mal les choses. A cette

               époque, bon nombre de fils de bonnes familles et de politiciens, aussi infidèles dans leurs
               couples qu’en promesses électorales, me tournaient autour. Des garçons tous fortunés, qui ne

               rêvaient que de m’épouser. Je me suis contentée de leur donner le plaisir qu’il ne pouvaient
               trouver dans les bras de leurs régulières, mais sans jamais oublier de leur vider les poches.

               C’était facile, je me suis installée dans un confortable duplex du quai de Grenelle, à quelques
               dizaines de mètres seulement de la rue Linois. J’ai envoyé balader mon job de secrétaire, faut

               dire qu’en seulement deux ans j’avais déjà mis dans mon lit la presque totalité du personnel

               masculin du ministère. Ce n’était que justice. Mon corps, j’aime le partager, mais pour cela, il
               faut payer. N’allez pas imaginer que je me suis prostituée, non j’ai simplement échangé mon

               ventre et la douceur de mes cuisses contre le confort d’un petit nid douillet et les moyens de
               l’entretenir. Ma clientèle aisée était triée sur le volet. Moi, Denise Kerfaou, j’ai toujours renié

               le milieu dans lequel je suis née, alors pourquoi refuser le luxe et les belles situations. J’ai pu
               mener grand train, fréquenter les meilleurs restaurants parisiens, passer des vacances à Saint-

               Tropez dans de splendides demeures, et côtoyer le gratin parisien. Pour cela, je n’avais que

               deux choses à faire; regarder dans les yeux celui qui semblait le plus viril de tous ces
               milliardaires bedonnants, et lui offrir mes fraises Tagadas, avant de lui ouvrir mes cuisses

               pour une autre partie de Tagada.


               - Vous ne le savez peut-être pas Jacqueline, mais des raclées j’en ai reçu quelques-unes, ça
               fait partie des risques du métier. Des plus forts que moi ont voulu m’exploiter, des macs à

               quatre sous, que j’ai réussi à éloigner.
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