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- Maryse, vous êtes sûre que ça va ? S’inquiétait M. Jourdain, remarquant la
lassitude dans le regard de sa soignante.
- Ca peut aller, mais merci de vous inquiéter pour moi ! Répondit Maryse, touchée
de la bonté de son Pépé.
- Si ça ne va pas, n’hésitez pas à m’en parler, d’accord ?
- D’accord, Pépé.
Maryse ne pouvait pas imaginer une seule seconde que les rôles puissent s’inverser.
C’était à elle de propager la bonne humeur et une santé de fer contagieuse !
Dès ce soir, elle passera chez Troifoirien et s’achètera la dernière crème anti-cernes de
Diadermine. Elle devait cacher au minimum la fatigue qui pèse sur ses paupières. Au moins
dans ce magasin de déstockage, elle trouvait des bonnes affaires, de temps en temps. Comme
ces crèmes de beauté qu’elle ne pouvait pas se permettre chez Sephora et où elle pouvait les
payer pour trois fois rien...
De manière presque automatique, Maryse entama les gestes de soins et de nettoyage
quotidiens sur son patient du 5 ème . Il fallait mettre de côté tout sentiment de gêne et toute
pudeur, profession oblige. Elle connaissait les moindres recoins de ce corps abîmé par l’usure
du temps. Elle frottait cette peau délicate en prenant soin de ne pas trop abuser du gant de crin.
Et pourtant, elle aurait préféré un gommage quotidien, comme si cette soif de propreté
extrême allait éloigner son propriétaire de la vieillesse ou des maladies liées à l’âge qui
avançait…
Après ces gestes précis, il était temps de l’habiller avant de lui laisser le temps
d’éplucher le Canard Enchaîné. M. Jourdain avait dû être un dandy dans sa jeunesse. Même à
90 ans, il tenait toujours à être parfumé derrière le lobe de chaque oreille. Il appréciait La Nuit
de l’Homme d’Yves Saint-Laurent, l’eau de toilette qui lui rappelait ses années de gentleman
viril à la sensualité débridée.
- C’est pour plaire à Mme Louise que vous vous aspergez ainsi, Pépé ? Le taquinait
Maryse.
- … Non, c’est pour vous envoûter, Maryse !
- Ih ! Ih ! Ih ! Gloussa-t-elle.
Que ne ferait-elle pas pour être ainsi dragouillée par un homme de son âge ? Maryse
n’avait à peine 40 ans mais elle avait préféré tirer un trait sur l’amour. Trop de déceptions,
trop de promesses non tenues, trop de belles paroles, trop d’espoir avorté… Désormais, elle
ne compterait plus jamais sur aucun homme, à moins que…
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