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-  Bonjour Maryse, un petit souci ce matin ?  Demanda-t-il, en regardant l’heure
                          indiquée par son horloge de chevet.

                      -  Bonjour Monsieur Jourdain… J’étais retenue…
                      -  Combien de fois dois-je vous dire de m’appeler Pépé ?

                      -  Ah ! Ah ! Ah ! Excusez-moi, Pépé, j’ai été retenue par votre copine du dessous.

                      -  Ah, la vieille folle !
                      -  Ce n’est pas gentil, ça ! Elle n’est pas plus folle qu’une autre.

                      -  Oui, oui, vous la défendez comme à  chaque fois. Vous verrez quand  elle vous
                          traitera par tous les noms d’oiseaux…

                      -  J’y ai eu droit, tout à l’heure, mais là n’est pas la question… Comment vous
                          sentez-vous ce matin ?

                      -  Comme d’habitude, des douleurs dans les articulations. Un truc de vieux, en

                          somme.
                      Maryse était attentive  au moindre changement d’humeur de Pépé.  Moins  il  était

               loquace,  plus il fallait  être réactive face aux mesures à prendre. Elle était témoin des

               difficultés respiratoires récentes aggravées par sa contamination à la Covid-19. Chaque soir,
               avant de s’endormir, elle avait une pensée pour Pépé dans sa prière qu’elle adressait à Saint

               Pérégrin Laziosi. Maryse ne savait pas exactement à quel saint se vouer ! Elle savait juste que
               ce Saint-là avait  guéri sa mère d’un cancer  du sein, stade terminal. On lui avait dit

               diplomatiquement de faire ses adieux à sa génitrice mais Maryse, ne pouvant se résoudre à
               cette perte prochaine, n’avait pas manqué une seule journée pour brûler des cierges à l’Eglise

               des Pauvres, sise à deux pas de l’EHPAD du  Manoir.  Depuis cette guérison  miraculeuse,

               Maryse avait gagné l’estime de la communauté chrétienne de son village. Pourtant, ce n’était
               pas gagné d’avance.  Les autochtones n’appréciaient pas toujours la venue de nouvelles

               ouailles dans leur cellule de prière, des Noires qui plus est. Ce n’est pas qu’ils étaient racistes
               mais les images biaisées des Africains diffusées sur les chaînes télévisées à sensation allaient

               dans leur sens : les  Blacks étaient de voleurs et leurs femmes de couleur, des sorcières qui
               avaient les recettes de mille et un grigris. Gare à celles et ceux qui se mettaient en travers de

               leur chemin ! C’est ainsi que les dames les plus bigotes n’hésitaient pas à demander à Maryse

               de ne pas oublier de les porter en prière, afin qu’elles gagnassent l’affection de leur belle-fille
               ou encore le retour au bercail de leur fils adoré…

                      De nature  affable, Maryse s’exécutait  sans rechigner  et les prières pouvaient ainsi

               durer une heure entière, empiétant sur ses heures de sommeil, déjà raccourcies par des
               problèmes récurrents d’insomnie.

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