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le temps d'enfiler un long pull filasse, avant d'aller ouvrir : le seuil était vide. Son pied nu
               heurta un bout de papier sale qu'elle ramassa promptement.


               " Je n'ai pas dormi de la nuit, je vous ai attendu durant des heures, je vous attends, dépêchez

               vous "


               Cette fois ci, n'y tenant plus, elle se précipita dans son auto garée juste devant, sans prendre la
               peine de se débarbouiller ni de boire un café. Mais qui donc pouvait bien ainsi la harceler

               depuis la veille sans relâche jusqu'à connaitre et son adresse et son numéro de portable ?

               Il devait bien s'agir d'une connaissance, d'un proche, peut être d'un ex compagnon, en tous cas

               de quelqu'un qui l'a connaissait parfaitement.  Dans ces situations, on pense à toute  une

               pléthore de possibilités, invraisemblables, on élabore des scénarios improbables parfois sans
               queue ni tête pour se rassurer. Et elle n'eut plus qu'une envie, de foncer dans la gueule du loup

               pour trouver la bonne réponse.


               Sa souricière restait d'abord cet appartement du quatrième étage visité sans résultat la veille,
               qu'elle souhaitait donc revoir, persuadée que se trouvait là bas le nœud de cette énigme. Elle

               démarra en trombe en passant d'un coup la troisième et se rua vers le quartier des Ballets, où
               très certainement le persécuteur l'attendait, niché dans le bazar de son appartement.


               Elle passa les guetteurs qui officiaient en bons pères de famille au bas de la tour, pour les

               saluer et leur souhaiter bon courage dans leur labeur. Il s'agissait pour elle d'une habitude. Elle

               les saluait comme on fait le bonjour à un voisin, il n'y avait nulle trace d'ironie face à ces
               trafiquants décomplexés qui dealaient à la vue de tous. Un peu comme on peut parfois saluer

               le commerçant du coin quand on part au travail.

               On l'accompagna  dans l'ascenseur, ce qui était  une marque d'hospitalité qu'elle appréciait,

               dans la mesure où l'installation était privatisée depuis fort longtemps pour " les affaires". Il y

               avait un certain respect pour " la toubib ".


               Elle ne prit pas la peine de frapper à la porte et tourna la poignée qui s'ouvrit franchement
               comme la dernière fois. Elle s'annonça cette fois ci  : " me voilà, dites moi qui vous êtes et ce

               que vous voulez, je suis médecin et je veux vous aider ". Elle prononça ces paroles pour se
               rassurer elle même et prévenir de son arrivée, pour être dans l'action.








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